jeudi 23 août 2012

#Sportnumericus : le 15 novembre au Stade de France

L'événement #digisport de l'année

Le 15 novembre aura lieu au Stade de France la seconde édition de Sportnumericus. La manifestation a été imaginée par Bruno Smadja de MobilEvent et Serge Valentin de Fairplay Conseil (ce dernier fait partie des experts régulièrement invités dans l'émission Sport €co de BFM). 
L'émergence des nouveaux médias modifient en profondeur les modalités de conception et de consommation du spectacle sportif. Aussi n'est-il pas surprenant de voir se multiplier les conférences sur le sujet. Ne serait-ce que l'année passée, il était possible d'assister à : 




A mon sens, Sportnumericus se distingue de deux façons : 
  • d'abord, cela se veut un rendez-vous régulier. Le marché est en plein développement et je vois mal comment un rendez-vous ayant pour thème le sport et les réseaux sociaux ne pourrait se pérenniser. Aussi, cela permettra de prendre la mesure des innovations et évolutions du secteur. 
  • ensuite, la journée repose sur des conférences de professionnels et sur l'attribution de 4 prix. 

programme des conférences

Les prix Sportnumericus

Bruno Smadja et Serge Valentin m'ont sollicité pour coordonner le jury qui aura la responsabilité de récompenser l'institution Sportive Numérique le sponsor numérique, l'innovation sportive numérique et le sportif numérique. 

Dans la dernière newsletter de Sportnumericus, voilà ce que j'en dis : 
"Depuis son émergence à la fin du 19ème siècle, le sport spectacle a assuré son développement en adoptant les innovations successives de l'information : journaux, radio, télévision et maintenant les nouveaux médias et technologies de l'information et de la communication. Les Jeux Olympiques de Londres, les premiers sociolympics, ont révélé à quel point l'événement sportif trouve des extensions dans le numérique. Les organisateurs d'événements, les ligues, les clubs, les sportifs, les sponsors, les médias et bien entendu les fans, sont inévitablement appelés à composer avec le digital. Et dire que nous parlons là d'outils, de concepts, de méthodes qui ne faisaient même pas partie du vocabulaire il y a encore 10 ans ! Le jury que j'ai le plaisir d'animer récompensera les initiatives numériques les plus marquantes. Ses membres sont des observateurs participants du #digisport. Précurseurs sur les dispositifs socionumériques destinés au sport, ils produisent, partagent, relayent, dénichent le contenu pertinent sur la question qui nous intéresse. Parce qu'ils sont des experts légitimes, ils sauront sans mal, j'en suis convaincu, décerner les prix aux dossiers les plus pertinents. A l'évidence, Sport Numericus est une manifestation appelée à se pérenniser. Figurer à son palmarès sera une référence alors n'hésitez pas à candidater !"
Au delà de la satisfaction de participer à une manifestation qui passionne l'enseignant-chercheur que je suis, c'est surtout un véritable plaisir de débattre dans le cadre du jury avec des twittos et bloguers que je suis pour la plupart depuis quelques années. 

Pierre Acuna - Digital Sport
Cédric Grundler - Le Marketing Sportif
Sébastien Vandame - Le Sponsoring.fr
Olivier Spaeth - Social Sport
Damien Bagaria - Digital-Sport
Cyrille Gandolfo - Cdusport
Hubert Munyazikwiye - SportsMarketing.fr
Cathelène Jacquinet - Thegirlnextsport
Maxence Karoutchi - Sportbizinside
Alexandre Bailleul - Sport Buzz Business
Valéry Brancaleoni - Marketing digital football
Le jury sera présidé par Cédric Deniaud, pionnier du digital.

Certains étaient déjà du jury de l'année passée et ils avaient alors récompensé :

  • la meilleure activation digitale par un club : le Paris Saint Germain
  • la meilleure fédération numérique : la fédération de Handball
  • le meilleur sponsor numérique : orange (le 12ème homme) 

Si vous souhaitez valoriser votre stratégie digitale, notez qu'il vous reste un mois pour déposer votre dossier de candidature à l'un des 4 prix. Je suis convaincu que les prix sportnuméricus sont appelés à devenir une référence et que figurer au palmarès sera une bonification indéniable. 


  • Le Prix de l'Institution sportive numérique : Vous êtes un club, une ligue ou une fédération. Vous avez conçu une stratégie digitale pertinente qui prolonge efficacement votre communication, correspond à votre ADN, mobilise vos fans, clients ou licenciés ; votre réputation numérique va grandissante, votre capital de marque se digitalise, venez défendre votre dossier !
  • Le Prix du Sponsor numérique : Vous êtes sponsor et non content d’activer vos droits offline vous êtes soucieux de vous construire une présence digitale. Tout au long de l’année ou ponctuellement lors d’un événement sportif, vous générez le buzz en construisant un triptyque numérique qui vous met en valeur mais aussi vos fans/clients/collaborateurs et le sport/équipe/ligue/fédé auquel vous êtes rattaché.
  • Le Prix de l'Innovation numérique : Ce prix a pour vocation de récompenser une innovation technologique ou une innovation sociale à caractère numérique et sportif. Vous pensez mobiliser des dispositifs socionumériques de façon décalée et audacieuse, vous avez mis en place des concours, jeux, ou applications mobilisant une large fanbase digitale, vous pensez déceler ce que seront les pratiques numériques de demain, candidatez à ce prix !
  • Le prix du Sportif numérique : Le sportif de haut niveau fait figure de champion, de héros. En gravissant les marches d’un podium il s’élève symbolique au dessus du commun. Les médias sociaux permettent aux sportifs de descendre de leur piédestal et d’interagir et partager avec leurs fans. Ce prix veut récompenser cette proximité numérique, sincère et crédible, qui trouve parfois des prolongements en Offline.


En attendant de vous retrouvez le 15 novembre (comme l'année dernière, la journée sera diffusée en streaming), vous pouvez resté informé de cet événement :

vendredi 17 août 2012

Un film, une scène : Le corps de mon ennemi

Le LOSC joue ce soir dans son nouveau stade. C'est l'occasion d'un nouveau billet de la série "un film, une scène". Dans le corps de mon ennemi, vous verrez Jean-Paul Belmondo au stade Grimonprez-Jooris. 


  • Le film : "Le corps de mon ennemi" (1976) d'Henri Verneuil (dialogues de Michel Audiard)
  • Distribution: Jean-Paul Belmondo, Bertrand Blier, Marie-France Pisier... 
  • La réplique : il y'en a plusieurs : 

"- Vous avez un pronostic pour le match (France-Allemagne)? Moi je dis que ça va pas être une promenade. Attention, les Allemands, sur leur terrain, faut jamais les sous-estimer.
- Parfois même sur le notre.
"On connaît le poids d'un penalty sur un bulletin de vote."  
"Chaque but marqué par ce tzigane pèse plus lourd dans une urne que tes meilleurs discours. "
"Le football n'intéresse que les politiciens, les enfants et les fabricants de ballons.
"Deux fois plus de cons, se dit François en errant dans cette ville métamorphosée. Ça paraît impossible. De toute façon, ça ne change rien, puisque rien ne changera jamais dans cette ville qui n’est pas une ville, mais un temple élevé à la grandeur et à la prospérité du textile. Ailleurs, c’est le sucre, le pinard, le pneu, le nougat, la bagnole ; ici c’est le textile. Personne n’y échappe. On ne vit que par et pour le textile. De la naissance à la mort. Le textile à perpétuité. Le textile et le football. Usine en haut, football en bas ; l’usine pour l’argent, le stade pour l’honneur. Pendant qu’une saine jeunesse agite des calicots, elle ne brandit pas de pancartes.
Jean-Paul Belmondo dans le stade Grimonprez-Jooris flambant neuf :  


Le bonus : la bande-annonce : 



mercredi 15 août 2012

Un film, une scène : comme la lune

C'est le 15 août, faut se détendre alors voici une nouvelle série récurrente de billets, petite soeur de "Sport en séries". Ca s'appelle "un film, une scène". Il existe un nombre considérable de films qui font du sport le sujet principal, la trame de fond ou l'objet de quelques répliques et tout cela constitue un objet d'investigation sur lequel on pourra jeter un regard marketing ou économique. Cela dit, le plus souvent, je mettrai en valeur une scène simplement parce qu'elle est drôle ou qu'elle gagne à être connue.
Rassurez vous, un jour viendra où je parlerai d'"à nous la victoire", de "l'enfer du dimanche", de "Rollergame"ou "Rocky". mais moi vous me connaissez, je m'applique à dénicher la pépite et j'ai à coeur de partager avec vous ce que je tiens pour une scène culte. Nous sommes en 1977, deux ans auparavant, le couple Séria/Marielle s'est illustré avec "Les Galettes de Pont-Aven". On les retrouve dans "comme la lune" avec avec une fabuleuse Sophie Daumier. On pourrait regarder le film dix fois de suite sans s'en lasser. Peut-être connaissez vous la scène du "ça mitraille sec (...) ça éclabousse"? 






  • Le film : "Comme la lune" (1977) de Joël Seria
  • L'acteur : Jean-Pierre Marielle
  • La scène : alité, Roger Pouplard écoute à la radio la retransmission d'un match de Coupe d'Europe opposant une équipe française à une équipe allemande. 
  • La réplique : la tirade est d'anthologie, isoler une réplique serait sacrilège



En bonus, la scène de Deauville. On y parle patins à roulettes et Jean-Pierre Marielle a une classe folle.


jeudi 9 août 2012

Pourquoi le PSG a t-il tout à gagner à perdre un peu

A la veille de la reprise du championnat de France de L1, je voudrais prolonger la réflexion entamée dans les billets "objectiver l'incertitude du résultat" et "un salary cap européen" qui traitaient en partie de l'équilibre compétitif. En début de semaine sur le blog "une balle dans le pied", Jérôme Latta écrit :
"Le scénario le plus probable et le plus attendu est celui d'une domination outrancière, (de Paris) pour cette saison et celles à suivre. Le problème sera bien le caractère excessivement attendu de cette suprématie, si elle se confirme."
La probabilité de voir un PSG ultra-dominateur remporter le titre est si forte que quelques acteurs et observateurs ont averti de la possibilité d'un championnat à deux vitesses. Voyez par exemple la déclaration de Jean-Michel Aulas pour qui le PSG 
"a intérêt à ce qu'il y ait une concurrence dans le Championnat. (...) Il ne faut pas qu'il y ait trop de différences, il ne faut pas exacerber des antagonismes (...) L'OL a joué le jeu économique au plan domestique et je suis persuadé que l'intérêt du PSG est que l'OL soit un challenger de qualité, a-t-il confié. QSI et son diffuseur y trouveraient aussi leur intérêt."
Il est plaisant de voir le président d'un club qui a connu une domination dynastique sur la L1 (7 titres de 2002 à 2008) s'inquiéter du déséquilibre des forces en présence. Cela-dit, au regard de la théorie économique appliquée aux ligues sportives, JMA n'a pas complètement tort. Selon l'hypothèse d'incertitude du résultat, une ultra-domination parisienne serait préjudiciable à la L1et par extension au PSG. 

Je dois vous dire : j'ai avancé dans la lecture de la série 100 bullets. Souvenez vous, à l'occasion d'une réflexion sur les délocalisations, je citais l'agent Graves. Le rapport? Dans le volume 13 chez Panini Comics qui regroupe les épisodes de 64 à 69, une planche illustre à merveille le concept d'équilibre compétitif et les fondements d'une particularité économique du sport professionnel.

Jack n'a pas compris qu'en situation de monopole (sans concurrent crédible), il n'existait plus d'incertitude. En conséquence, l'absence d'équilibre compétitif nuit a ses revenus. Le PSG sera t-il bientôt dans ce cas?  (vous pouvez agrandir l'image en cliquant dessus)

un match nécessite
  1. un adversaire
  2. de préférence crédible (de niveau similaire) pour favoriser une issue incertaine
Sans quoi : Pas d'adversaire = pas de match = pas de recette = pas de revenus pour l'équipe ultra-dominante. L’élimination de la concurrence supprimerait de fait les sources de revenus des clubs. C'est un autre économiste, Walter C. Neale, qui a théorisé cela dès 1964 dans un article célèbre chez les économistes du sport : The Peculiar Economics of Professional Sport: A Contribution to the theory of the Firm in Sporting Competition and in Market Competition. Pour illustrer qu’en matière de sport professionnel, une situation de monopole est plus néfaste qu’une situation concurrentielle, il énonce le « Louis Schmeling Paradox ».

Le paradoxe « Louis/Schmeling »

Né en 1914, le boxeur afro-américain Joe Louis Barrow entame sa carrière professionnelle en 1934. Il sort victorieux de ses 27 premiers combats en en remportant 23 par K.O. Surnommé le « Brown Bomber », Joe Louis apparaît rapidement comme invincible. Ainsi ses prestations perdent-elles de l’audience alors même qu’il est au sommet de son art. Néanmoins, il connaît sa première défaite le 19 juin 1936 face à l’Allemand Max Schmeling. L’événement, inattendu, captive à nouveau la passion du public. La revanche a lieu le 22 juin 1938 au Yankee Stadium à New York devant 70 000 spectateurs. Le combat est programmé sur 146 stations radiophoniques à travers les Etats-Unis. On estime à 68 millions le nombre d’Américains qui suivent la retransmission (63,6% d’audience). 97% des New-yorkais possédant une radio auraient écouté le match. Il suffit de deux minutes et quatre secondes à Joe Louis pour remporter une cinglante victoire. Le « Brown Bomber » empoche ce soir là 350 000 dollars alors qu’il n’en avait gagné que 300 000 au cours de ses 18 premiers mois de professionnalisme. Le paradoxe souligné par Neale est le suivant : les revenus de Louis ont été très fortement majorés par une défaite. Une moindre performance sportive, en rééquilibrant la perception du public quant à l’issue du match suivant, relance l’intérêt et donc les revenus de tous les protagonistes, y compris du présumé dominant.



Poursuivant son propos, Neale remarque que le club de baseball des New York Yankees, qui domine alors le championnat, n’aurait aucun intérêt économique à éliminer les clubs concurrents en rachetant les meilleurs joueurs ou, à l’extrême, les équipes adverses. Les Yankees se retrouveraient seuls, sans adversaires, sans possibilité de produire un spectacle donc, sans revenus. Neale souligne donc que la prière du soir des joueurs des Yankees devrait être :

"Oh mon Dieu, faites que nous soyons bons, mais pas si bons que ça" (Neale, 1964, p. 2).

Une équipe seule ne peut assumer la totalité du marché : cela signifierait qu’elle n’aurait aucun adversaire à affronter. En ce sens, le sport n’est pas une activité économique comme les autres. Une situation de monopole est moins profitable qu’une situation concurrentielle. Là réside la spécificité du sport qui distingue ce secteur d’activité d’autres secteurs industriels. Avec ce paradoxe, il s’agit en fait de montrer que sans coopération économique, la compétition sportive est intenable. Dans une optique économique, la véritable firme n’est pas le club qui n’a aucun intérêt à dominer son marché, mais plutôt la ligue envisagée comme un groupement de clubs unis par des intérêts communs nécessitant la mise en place d’une politique de régulation concertée. Le rôle d’une ligue consiste alors à défendre les intérêts de tous ses membres en limitant les comportements individualistes. On peut alors envisager une ligue sportive comme une alliance de plusieurs clubs rivaux (sportivement) défendant des intérêts communs (financiers) par la mise en place d’une politique de régulation concertée.

Un produit conjoint particulier

Plusieurs équipes doivent ainsi coopérer les unes avec les autres afin de produire un bien, envisagé alors comme une production conjointe (Inverted Joint Product).

Le match est autrement appelé rencontre. Etymologiquement, la rencontre définit l’action de combattre. Elle recouvre le sens d’un « duel » ou d’un « affrontement » et caractérise l’action pour deux personnes d’entrer en contact de manière concertée ou prévue. De ce point de vue, le match en qualité de produit joint possède deux éléments fondamentaux et paradoxaux : il est d’une part l’occasion d’un affrontement entre deux entités ; d’autre part, il fait l’objet d’une organisation entre les entités s’adonnant à cet affrontement, sans quoi il n’existerait pas. En quelque sorte, il s’agit d’un conflit concerté. Un match seul ne présente qu’un intérêt limité pour le public. La multiplication des rencontres entre plusieurs adversaires débouche sur l’établissement d’un classement dont l’évolution au fil des journées génère la mobilisation des spectateurs. Neale nomme cela le League Standing Effect, le degré d’excitation de la ligue, défini comme
"les changements quotidiens dans les classements ou les possibilités quotidiennes de modification de classement" (Neale, 1964, p. 3). 
Le match et le championnat, en qualité de production jointe, résultent ainsi de l’interdépendance de plusieurs équipes qui adhèrent à une politique coopérative reposant d'une part sur une régulation sportive (les règles du jeu, le calendrier ...) et une régulation économique (modalités de partage des revenus du spectacle sportif).

Vous comprendrez pourquoi alors, en 1990, Paul Tagliablue, Commissaire de la NFL, déclarait :

"Free market economics is the process of driving enterprises out of business. Sports league economics is the process of keeping enterprises in business on an equal basis. There is nothing like a sports league. Nothing."(Sport Illustrated, citation reprise par Rodney Fort, un autre économiste du sport réputé).

Le spectacle sportif à l’épreuve du droit commun

Les caractéristiques économiques des ligues sportives favorisent des stratégies incompatibles avec une économie de marché libérale. Ainsi, pour Neale : 

" Il est clair que les sports professionnels sont des monopoles naturels, marqués par des particularités à la fois dans la structure et le fonctionnement de leur marché. En conséquence, les ligues professionnelles ont toute la légitimité économique d’en appeler à la législature, aux courts de justice, et au public pour la raison que
We fall if you divide us;
We stand if Johnny Unitas."
(Neale, 1964, p. 14). (un jeu de mots avec le nom d’un grand quarterback de Baltimore)


Une ligue est ainsi envisagée dans la littérature comme une Joint venture, un groupement par lequel plusieurs entités s’associent dans le but de réaliser un projet particulier tout en mettant leurs ressources en commun en en partageant les risques et les bénéfices. Chaque club est une entité économique appartenant à des propriétaires distincts qui limitent la concurrence par le biais d’une politique coordonnée de solidarité. Aux États-Unis comme en Europe, ce type d’entente ou d’arrangement, véritable restriction à un libre fonctionnement du marché, peut tomber sous le coup des lois sur la concurrence.

Ainsi, lorsque vous entendez des institutions sportives réclamer la reconnaissance d'une exception sportive, devenue par la suite "spécificité du sport", c'est au nom de cette particularité économique. La prise en compte de cela nécessite la bienveillance des pouvoirs publics puisque certaines règles sportives dérogent au droit commun, notamment en termes de contraintes sur le marché du travail. De part et d’autre de l’Atlantique, le législateur a reconnu l’importance de préserver l’incertitude du résultat. Mais, lorsqu’aux États-Unis cela se traduit par une véritable exemption, en Europe la sphère sportive perd de son autonomie. On dira donc du système nord-américain qu’il est régulé tandis que le système européen souffre de dérégulation. Ainsi Wladimir Andreff, père fondateur de l'économie politique du sport, remarque t-il: 
«Dans l’économie du sport professionnel, le paradoxe est que le capitalisme financier et de marché du travail libre émerge aujourd’hui en Europe et non aux Etats-Unis. Il converge de plus en plus vers le modèle d’économie libérale prédominant en Europe aujourd’hui. Le modèle américain de ligue professionnelle fermée, second paradoxe, tend au contraire à renforcer ses régulations et à adopter des arrangements institutionnels de plus en plus ‘quasi-socialistes’ » (Régulation et institution en économie du sport, 2007).
A l'occasion, je reviendrai plus longuement sur la façon dont le droit commun européen s'est appliqué au sport pro. En attendant, que peut-on souhaiter au PSG en considérant les apports de l'économie du sport?


Que peut-on souhaiter au PSG? 

  • à l'échelle du championnat : il faudrait que le PSG soit sacré champion sans écraser la concurrence. Si l'incertitude est levée très tôt (disons par exemple, 20 points d'avance à 7 journées de la fin) les (télé)spectateurs de la L1 pourraient se démobiliser considérant le spectacle comme achevé. 
  • à l'échelle des matches : il faut souhaiter au PSG d'en gagner le plus possible bien entendu mais ces victoires devraient se dessiner à l'issue de rencontres disputées et indécises. Le risque est de voir des matches d'exhibition remplacer des rencontres incertaines. Il ne faut pas oublier que le sport est spectacle de l'incertitude et non un spectacle de l'habileté. Les matches se disputent dans un stade et non dans un cirque. 
  • sur le long terme : une domination dynastique, telle celle de Lyon dans les années 2000, risque aussi d'atténuer le ressort dramatique de la compétition dont l'intérêt ne résiderait plus que dans les places qualificatives aux Coupes d'Europe et dans la lutte pour la maintien. 
  • Il faut enfin souhaiter au PSG l'émergence d'une concurrence crédible, stable et durable d'au moins 3 autres clubs, de préférences localisés dans de grandes villes (disons donc Lyon, Marseille et Lille). C'est une condition nécessaire pour poursuivre un double objectif : conserver un championnat national attractif et disputé; avoir des clubs français qui ont progressé grâce à l'émulation au niveau national et qui deviennent ainsi compétitifs sur le plan continental. 

samedi 4 août 2012

Un salary cap européen?

Une proposition de résolution pour encadrer la rémunération des joueurs


Cela est passé un peu inapercu mais quelques députés (dont David Douillet et Jean-François Lamour, deux anciens Ministres des sports) ont déposé une proposition de résolution européenne "visant à limiter la masse salariale des clubs sportifs professionnels".

Dans l'exposé des motifs, on lit : 
"(...) En effet, il convient de rappeler que l’intérêt des compétitions sportives pour les spectateurs et les financeurs, qu’ils soient publics (État, collectivités) ou privés (sponsors, médias, etc.) repose sur l’aléa sportif et l’incertitude du résultat. Pour parvenir à cette incertitude, il est indispensable d’assurer un équilibre compétitif entre les différents participants, c’est-à-dire une répartition équilibrée des moyens financiers et humains. Le salary cap, qui limite la masse salariale de chaque club à un plafond déterminé, permet de conserver cette équité dans le sport. 
De plus, le salary cap permet d’éviter l’endettement massif de certains clubs qui, faisant exploser leur masse salariale, mettent en danger leur modèle économique. En effet, la crise financière a révélé que de nombreux clubs professionnels européens s’étaient lourdement endettés pour engager les meilleurs joueurs. En janvier 2012, l’UEFA annonçait que les clubs européens de football atteignaient un déficit record de 1,6 milliard d’euro
Le principe du plafonnement de la masse salariale des clubs professionnels a été adopté par le Parlement français par la loi du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs. Afin de garantir la compétitivité de nos clubs professionnels, il apparait évident que la limitation de la masse salariale de ces entreprises soit actée au niveau européen. La France ne peut rester isolée sur ces questions sous peine d’handicaper gravement l’attractivité de ses compétitions.  (...) L’instauration du salary cap européen permettra à la fois de limiter l’inflation des salaires des joueurs professionnels mais aussi de limiter les déficits des clubs.  En conséquence, afin de favoriser l'équité sportive, la pérennité des compétitions et d’éviter l’endettement des clubs, il est donc proposé d’instaurer un plafond salarial au niveau européen pour les clubs sportifs professionnels."
La proposition de résolution européenne stipule que :
"Considérant qu’il est légitime de répondre aux aspirations de l’opinion publique sur la limitation de la masse salariale des clubs sportifs européens tout en soulignant l’importance économique de ces entreprises ; Considérant que seule une position européenne peut garantir une concurrence sportive et économique non faussée entre les clubs des différents pays de l’Union européenne ;  Demande à la Commission européenne de soutenir la mise en place d’un plafond de la masse salariale pour les clubs sportifs professionnels. Ce plafond devra être fixé en accord avec les instances sportives européennes, auxquelles les clubs sont affiliés.

Qu'est ce que le salary Cap? L'exemple des ligues nord-américaines

Le salary cap est un mécanisme qui limite la somme d’argent qu’une équipe peut dépenser dans les salaires de ses joueurs. Son objectif est de préserver l’équilibre des forces en présence en évitant que les équipes les plus riches dominent la ligue en recrutant les meilleurs joueurs. Ce système est relativement récent à l’échelle de l’histoire des ligues nord-américaines. En effet, le système de la clause de réserve limitant la mobilité des joueurs a longtemps permis de poursuivre le double objectif de limitation de l’inflation salariale et de préservation de l’équilibre compétitif. Toutefois, l’assouplissement de la clause à partir de 1976 a modifié l’état du marché du travail. Des joueurs expérimentés, à l’expiration de leur contrat, étaient dorénavant libres de négocier un nouveau salaire aussi bien avec leur ancien club qu’avec une équipe concurrente (free agents). Cette situation a engendré une guerre des salaires profitable aux équipes les plus riches susceptibles de déséquilibrer le championnat par un tel comportement.

Le premier salary cap de l’ère moderne est mis en place en NBA lors de la saison 1984-1985. Il plafonne alors la masse salariale d’une équipe à 3,6 millions de dollars. En 1998, le cap était fixé à 26,9 millions de dollars (augmentation de 747% en 13 ans). Le CBA, de juillet 2005 pour une période de six ans, assure aux joueurs une part de 51% des revenus de la ligue (49,5 millions de dollars par équipe pour la saison 2005-2006). Peut-être vous souvenez vous que cette saison NBA a été amputée de quelques matches justement parce que les modalités de rémunération étaient à nouveau discutées. Le plafonnement salarial de la NBA est considéré comme un « soft cap ». A titre d’illustration, lors de la saison 2001-2002, les salaires étaient plafonnés à 42,5 millions de dollars par équipe. Seules deux équipes étaient sous le cap. Les 28 autres dépassaient ce montant, dont 16 par plus de 10 millions de dollars et deux par plus de 40 millions de dollars. Le système du cap est peu efficace en NBA à cause d’une dizaine d’exceptions permettant de dépasser le montant autorisé. La plus connue est l’exception « Larry Bird », du nom du légendaire joueur des Boston Celtics. Elle permet à une équipe de proposer un nouveau contrat à l’un de ses joueurs devenu libre, quand bien même le nouveau salaire contribuerait à excéder le niveau du salary cap. Cette mesure a pour objectif de permettre aux équipes de conserver leurs joueurs vedettes et de satisfaire ainsi les fans attachés à ces athlètes ayant contribué à l’histoire de la franchise.

En 1994, la NFL a adopté un « hard cap » extrêmement rigide où aucune équipe ne peut dépasser le montant maximum autorisé, sous peine de s’acquitter de pénalités financières. Initialement, le montant du cap était fixé à environ 65% des Defined Gross Revenues (DRG, basés sur la vente de billets, les contrats télévisuels et le merchandising). En mars 2006, une extension du CBA remplace les DRG par les TFR (Total Football Revenues), fixant le cap à 102 millions de dollars. Pour 2006, le salary floor (la masse salariale minimale) est de 75 millions de dollars par équipe. 

En NHL, les négociations d'un CBA ont débouché sur un lockout provoquant l’annulation de la saison 2004-2005. C’est une décision sans précédent dans l’histoire des circuits majeurs aux Etats-Unis. Pour la première fois depuis 1919 (en raison d’une épidémie de grippe espagnole), la Coupe Stanley n’a pas été remise. Cette annulation a pour origine un rapport indépendant qui révèle une situation inquiétante : le rapport Levitt (Levitt Jr, 2004). Pour la saison 2002-2003, les 30 équipes accusent une perte annuelle cumulée de 273 millions de dollars, soit en moyenne, 9,1 millions par club.

La commission Levitt impute cette situation à l’inflation des salaires dont on peut constater l’accélération brutale depuis 1990. A cette date, Bob Goodenow arrive à la tête de l’Association des Joueurs de la NHL. Il préconise aux joueurs de divulguer publiquement leurs salaires afin que ceux-ci puissent comparer leur valeur. Cette stratégie de transparence fournit un levier de négociation qui transforme le marché du travail en faveur des joueurs. Le salaire moyen passe de 558 000 dollars en 1993 à 1,79 millions de dollars dix ans plus tard. En 2002-2003, les coûts salariaux liés aux joueurs atteignaient 1,494 milliards de dollars, soit 75% des revenus de la ligue. Le commissaire de la NHL, Garry Bettman, recommande l’instauration d’outils de contrôle des coûts. Il justifie ainsi sa position : 
« le challenge à venir est de s’assurer que nous ayons un système économique qui permette à tous nos clubs d’être économiquement viables, stables et compétitifs là où ils sont actuellement localisés. Tous nos fans ont besoin de savoir au début de la saison que leur équipe a une bonne chance de remporter la Coupe Stanley comme n’importe quelle autre équipe. Cela dépend seulement de la somme dépensée par les équipes dans la masse salariale.» 
Finalement, les joueurs consentent à l’établissement d’un plafonnement salarial. Pour la saison 2005-2006, le salary cap est fixé à 39 millions de dollars par équipe avec un plancher à 21,5 millions de dollars par équipe. Pour les années suivantes, le plafonnement est indexé sur les revenus de la ligue. Cette mesure est accompagnée d’une restriction sur les salaires individuels qui ne pourront dépasser 20% de la masse salariale du club.

(la partie précédente est extraite de ma thèse de 2007)

Un salary-cap européen, les questions à se poser

Il n'est pas inintéressant d'observer que le concept d'équilibre compétitif, très prisé des économistes du sport, figure tel quel dans une proposition de résolution. Sur ce billet, vous trouverez les éléments de définition de l'équilibre compétitif. 

Le plafonnement des salaires à l'échelle européenne est un serpent de mer qui travaille l'imaginaire des acteurs et observateurs du sport pro au moins autant que l'instauration d'une NBA européenne. Déjà en 2008, dans le rapport Besson sur la compétitivité des clubs de football français un point est intitulé "Préserver l’équilibre budgétaire des clubs par le plafonnement de la masse salariale (« salary cap ») et la limitation du nombre des contrats". De façon explicite, une recommandation du rapport est d'"Encourager la mise en place d’un plafonnement du ratio masse salariale sur chiffre d’affaires à l’échelle européenne". Toujours dans ce rapport, on peut lire : 
"Toutefois, l’application d’une telle mesure ne se ferait pas sans tensions : d’une part les joueurs seraient réticents à la mise en place d’une mesure aboutissant au plafonnement de leur rémunération (...); d’autre part, certains clubs, parmi les plus riches, sont hostiles aux outils minorant leur capacité de recrutement. (...)
Il convient en outre de rappeler l’incertitude juridique qui plane sur l’instauration d’une telle mesure. Dans son Livre blanc sur le sport, la Commission européenne précise que ni la Cour de Justice Européenne ni la Commission n’ont pris de décision ou position formelles sur cette mesure; de sorte qu’il n’est pas possible de dire actuellement si elle déroge au droit communautaire."

A mon sens, les questions à se poser sont :
  • le salary-cap fonctionne t-il? Les économistes du sport s'accordent à dire qu'en théorie, un plafonnement des salaires serait bénéfique à l'équilibre compétitif. Cela-dit, tout dépend de quel système de plafonnement : s'il est souple, comme en NBA, il sera relativement inefficace; s'il est dur, comme en NFL, cela peut contribuer à instaurer de l'incertitude. 
  • le texte prévoit que le "plafond devra être fixé en accord avec les instances sportives européennes, auxquelles les clubs sont affiliés". Est-ce à dire que c'est à l'UEFA de fixer le montant du cap ou bien à l'EPFL (European Professional Football Leagues)? Une négociation avec les représentants des joueurs serait-elle envisagée? 
  • Quelle va être la réaction de l'UNFP
  • La mesure serait-elle appelée à perdurer? Saviez vous qu'en 1900 le championnat anglais a mis en place un salaire maximum? Cette mesure a été abandonnée en 1961. 
  • A quel niveau fixe t-on le salaire maximum? l'UEFA compte 53 fédérations. Vous imaginez la grande diversité des clubs et leur capacité inégale à dégager des revenus et assumer des salaires. J'entends bien qu'il s'agit de contrôler les coûts mais la mesure ne serait-elle pas restrictive pour des clubs en mesure de bien rémunérer leur joueurs? C'est là un réflexe typiquement français que de vouloir "harmoniser" à l'échelle européenne pour contrôler les coûts sans avoir à se poser la questions du travail à effectuer pour améliorer le chiffres d'affaires. Les grands clubs européens qui bossent pour dégager des revenus importants et octroyer des salaires conséquents sans pour autant se mettre dans le rouge vont rigoler quand on va venir leur expliquer qu'il faut maintenant caper le montant des salaires. 
  • Sinon, cette mesure est valable pour les autres sports??? 
  • Le texte motive son utilité par un contrôle des coûts et un maintien de l'incertitude du résultats. C'est un classique dans la régulation des ligues pro : les propriétaires de clubs interpellent souvent le régulateur/législateur sur le besoin impérieux d'instaurer un salary cap en faisant valoir l'intérêt général et celui des fans (une compétition équilibrée et indécise) en y voyant surtout une possibilité de contrôler ses coûts. Voyez le cas du Milan AC
  • Les députés qui proposent ce texte considèrent "qu’il est légitime de répondre aux aspirations de l’opinion publique sur la limitation de la masse salariale des clubs sportifs européens."Je voudrais bien qu'on m'explique ce que l'opinion publique y connait en régulation du sport pro. Veut-on limiter les salaires pour préserver l'équilibre compétitif, pour éviter les déficits ou encore dire au citoyen/électeur "regardez, ces joueurs trop payés, nous allons limiter les salaires indécents". 
  • Quelle méthode retenir? Un plafonnement absolu? Dans ce cas aucun club ne pourra dépenser plus qu'une base 100. Comment motiver cela après des clubs qui génèrent 1000 de revenus? Un plafonnement relatif? Dans ce cas la masse salariale d'un club ne pourrait excéder disons 50% du chiffre d'affaires d'un club. Dans ce cas, la moitié de 1000 fera toujours plus que la moitié de 100. 
  • Sinon, il y a un truc simple pour limiter les déficits, cela s'appelle une bonne gestion et ça consiste simplement à ne pas dépenser plus qu'on a et ça marche très bien sans salary cap. 
  • Enfin, les outils de régulation du marché des joueurs (transferts et salaires) pour favoriser un maintien de l'équilibre compétitif fonctionnent convenablement dans un système fermé. Veut-on alors à terme une super-ligue européenne qui édicterait ses propres règles (autre serpent de mer). 

jeudi 2 août 2012

Revue de presse : juillet 2012

L'été est chargé en actualité sportive. Pour ne rien en manquer, comme chaque mois, je vous propose une revue de presse internationale d'économie et de marketing du sport. Pour le mois de juillet, j'ai filtré 228 PDF. Vous y retrouverez des articles consacrés au Jeux Olympiques, à l'Euro 2012, au Tour de France, au recrutement du PSG, aux réseaux sociaux et tellement d'autres choses encore. 

Fichier ZIP (73MO)
Revue de presse juillet 2012


En juillet, 4929 pages ont été vues sur ce blog. Voici le top 3 des billets les plus lus le mois passé :
  1. Zlatan n'est pas assez payé - 1388 pages vues en juillet 
  2. Au sujet des Bleus et des sponsors - 841 pages vues en juillet
  3. Cahiers de vacances : marketing du sport - 262 pages vues en juillet