mercredi 16 janvier 2013

Armstrong, du storytelling qui déraille

Voici donc Lance Armstrong déchu de ses sept victoires au Tour de France, acculé jusqu'à se confier à Oprah Winfrey. Cela marque peut-être le dernier chapitre d'une histoire qui avait connu quelques rebondissements en octobre dernier. Lâché par ses sponsors, on se demandait si Armstrong n'était pas fini. Même South Park s'emparait de "l'affaire" dans l'épisode "a scause for applause". 



Tout est dit sur les extensions juridiques et financières du cas Armstrong. Au delà, la transition de la figure héroïque (l'homme qui a vaincu un cancer pour revenir ultra-dominer sa discipline) à la figure du paria, du tricheur, du menteur est particulièrement intéressante à observer. On a pu parler ici et là du plus grand scandale sportif de tous les temps : ainsi donc les sept victoires de l'américain dans la course la plus prestigieuse seraient entachées par le dopage. C'est entendu, mais qu'Armstrong ait triché une fois ou de tous temps, cela à vrai dire ne fait pas grande différence et n'explique pas en quoi une large part de l'opinion publique le met au pilori. Plus encore si l'on considère que les cas de dopage, de triche ou encore les affaires de moeurs sont communs dans le sport et, si cela suscite la réprobation, rien n'atteint l'ampleur de l'affaire Armstrong.
Attendez vous à ce que les images tournent en boucle ! 









A mon sens, ce n'est pas sur le terrain sportif que l'on va trouver les fondements du ressentiment du public. Je fais donc l'hypothèse que ce que l'on reproche à Armstrong ce n'est pas d'avoir triché mais de s'être fait prendre. La belle histoire, pour ne pas dire la fable, est devenue fait divers. Nous baignions jusqu'à présent dans un espace de faux semblants où le plus grand nombre nourrissait l'intime conviction que quelque chose n'allait pas mais préférait continuer à croire à l'histoire. Le parallèle est audacieux mais lorsqu'Armstrong dominait le Tour de France on était pas si loin du catch. Mundus vult Decipi, Ergo Decipiatur disais-je dans ce papier. Dans les chevauchées d'Armstrong comme dans les combats de WWE, on sait bien que c'est factice mais on préfère y croire. On en veut à Armstrong comme à celui qui a longtemps fait croire que le Père Noel existait avant de révéler l'imposture. A cela il faut ajouter des circonstances aggravantes :
  • une ultra-domination, plus encore sur le tour de France
  • la figure exemplaire : Armstrong a incarné le "never give up". Voyez l'extrait du film Dodgeball
  • le dispositif : Motoman qui livre le coureur, on est loin du dopage à la bonne franquette
  • le déni, la provocation et le calcul froid dans l'orchestration de ses aveux

J'imagine que des étudiants vont se pencher sur la question dans leurs dossiers/rapports/mémoires. Je les invite à consulter les travaux de mon camarade Ludovic Lestrelin et ceux de Christophe Brissonneau. Je pense qu'une analyse pertinente mixerait les travaux de Christian Salmon sur le storytelling,  de Guy Debord sur le société du spectacle et de René Girard (plus particulièrement sur le bouc émissaire). 

Pour aller plus loin : 

France Culture a consacré 3 émissions fin 2012 sur l'affaire Armstrong  :
Dans la médias/blogs étrangers

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