lundi 17 mars 2014

Entretien avec Reed Albergotti du Wall Street Journal. Co-auteur de "Lance Armstrong, itinéraire d'un salaud"

Reed Albergotti est journaliste au Wall Street Journal depuis 2003. Maintenant basé à l'antenne de San Francisco, il y couvre l'actualité des grandes compagnies du digital.  Au bureau de New York, il a largement contribué au lancement des pages "sport" du journal. Depuis mai 2010, il couvre "l'affaire Lance Armstrong". Il a co-écrit avec Vanessa O'Connell "Lance Armstrong, itinéraire d'un salaud" paru en France chez Hugo Sport. Au début du mois, Reed était en France pour promouvoir le livre. Peut-être l'avez vous lu, vu, entendu sur 20 minutes, France Info, l'Huma ou encore Ouest France. Je l'ai rencontré pour lui soumettre 3/4 questions, plutôt en rapport avec les médias sociaux.


Reed, les pages sportives du WSJ ont été lancées récemment. Pouvez nous dire comment cela s'est passé? 
Cela devait se passer en 2008. J'ai été invité à une réunion, nous devions être 5 dans la pièce et on nous annonce comme ça "bien, vous allez vous occuper des pages sport du Wall Street Journal". Mais, à l'inverse d'une couverture traditionnelle de l'actualité sportive, on nous demandait de parler business, chiffres, statistiques. On lance donc la section sport du WSJ et en 2009 on est à nouveau convoqués pour une réunion. On nous annonce qu'au lieu d'une page par semaine, on va passer à 3 jours par semaine avec le même staff. Pour fêter cela, nous étions invités à faire sonner la cloche du Nasdaq. Sur un écran est diffusé le message que la couverture du sport s'étend à 6 pages par semaine ! Je me dis que c'est une erreur, on nous a annoncé 3 jours/semaine et mon responsable me dit "oh, on t'a pas dit, c'est 6 jours par semaine". Et on a assumé ce format avec la même équipe qui avait débuté sur une page par semaine. On n'arrêtait pas ! mais ça a marché, grâce notamment au talent de Jason Gay

Reed, vous avez un compte twitter certifié. Quelle a été la réception de votre travail sur ce réseau social?
A 90% les retours sont positifs. Lorsque le livre "Wheelmen" (note : titre original) est sorti aux Etats-Unis, j'ai eu des retours comme "Super lecture", "je l'ai dévoré en un week end". Maintenant, bien entendu que certaines personnes restent hermétiques et demeurent de grands fans de Lance Armstrong.

D'ailleurs, avez vous noté une différence d'attitude des twittos selon les pays? Certains sont-il plus agressifs en France qu'aux Etats-Unis par exemple? 
Je ne saurais pas le dire… En tous cas si ils sont plus vindicatifs en France je ne l'ai pas noté parce que je ne comprends pas le français (rires)! Aux Etats-Unis ont a ce mot "snarkiness", qu'ont peut définir comme le fait d'être sarcastique ou grincheux en ricanant. Et bien cela arrive souvent sur les médias sociaux, spécialement avec les gens anonymes qui font des commentaires narquois.

Entretien réalisé le 6 mars dans les locaux d'Hugo & cie (source de la photo)

Lance Armstrong a aussi un compte twitter suivi bientôt par plus de 4 millions de followers. Cela a t-il était un matériau pour votre travail? 
En 2009, lorsqu'il commence à parler de faire son retour, il existe déjà un halo de négativité autour de sa personne. Il y a des allégations de dopage. Il y a d'ailleurs eu un incident en France fin 2008 ou début 2009 : à l'occasion d'un entrainement, il s'est fait contrôlé par l'agence française anti-dopage. A ce moment je crois qu'il en a eu assez des médias mais il avait ce truc relativement nouveau appelé twitter (note: le compte twitter de Lance Armstrong a été ouvert en octobre 2008).  Cela lui a permis de contourner les médias et les journalistes pour prendre la parole. Je me souviens qu'il a été à l'avant garde de cette tendance.

Il y a d'ailleurs eu ce célèbre tweet de novembre 2012 (11 311 RT, 4604 FAV). On y voit Lance Armstrong sur un canapé entouré de ses maillots jaunes. En France, on a parlé de provocation. Comment cela a-t-il été reçu aux Etats-Unis? 
On était dans cette brève période entre la perte de ses titres et ses aveux (note : en janvier 2013 sur le plateau d'Oprah Winfrey). A ce moment, sa stratégie était de dire "même si ils me retirent mes titres, ils se trompent, c'est une chasse au sorcière et je ne vais pas me battre contre ça." Cette stratégie permettait de rallier une base de fans fidèles.
Vous voilà maintenant à San Francisco à couvrir l'actualité de la Silicon Valley. Envisagez vous de parler de sport, de nouvelles technologies et des médiaux sociaux? 
En effet, comprendre les enjeux du digital dans le sport est un sujet intéressant et je peux écrire sur cela mais ce n'est pas ce qui m'est demandé en premier. Et j'ai encore tellement à apprendre, je découvre le sujet du digital et je dois d'abord en maitriser les fondements. Il y a eu l'opportunité de rejoindre le bureau de San Francisco et cela m'a d'emblée intéressé. Vous savez, il y a environ 30 Tech Reporters du WSJ basés à San Francisco ! Voyez vous, 2 reporters du Wall Street Journal, Walt Mossberg et Kara Swisher, ont fondé All Things Digital en 2007, une sorte d'extension du WSJ qui parle de technologie. Le WSJ a récupéré cet espace pour l'appeler WSJ.D. On peut envisager cela aussi comme une sorte d'expérimentation sur la façon de faire un journal dans le futur. 

Voilà qui pourrait intéresser des journaux français ! Comment le WSJ envisage t-il son avenir dans un environnement qui se numérise? 
Je ne sais pas si le WSJ a une recette magique. Bien avant que n'y travaille ils ont décidé de faire payer le contenu sur le site internet alors que tous les autres journaux avaient un contenu gratuit. Ce faisait, rapidement le WSJ a pu compter près d'un million d'abonnés pendant que les autres habituaient leur lecteur à l'idée que l'information peut être gratuite. Cela a du permettre au WSJ d'expérimenter : ça a été le premier à proposer son app. Steve Job venait ici en secret rendre visite à Rupert Murdoch et Robert Thompson (note: alors directeur/rédacteur en chef du journal) pour concevoir cette application. Mais oui, c'est un défi énorme que de trouver le bon business model. 

Vos articles sont disponibles sur le site du WSJ, êtes vous intéressé par le nombres de pages vues? 
Non. Je considère que ça n'est pas mon job. Mais cela peut donner des metrics intéressants? Lorsque vous allez sur le site, vous voulez lire un article en particulier. Une bannière va s'afficher et vous dire que pour aller plus loin, il faut s'abonner. Ainsi, il est possible de savoir quels sont les articles qui génèrent le plus d'abonnements. Mais je suis incapable de dire combien j'ai généré d'abonnements et d'ailleurs je ne touche aucun pourcentage sur cela (rires)! Cela dit, je sais pertinemment quel genre d'articles peut générer un large lectorat. Il y a peu j'ai demandé à Facebook quelles étaient les meilleures villes lorsqu'on est célibataire (voir  "Top 50 Cities for Singles Looking for Love") et ça été publié le jour de la Saint Valentin. Alors bien entendu que ça a cartonné mais je ne veux pas écrire ce genre d'articles tous les jours. 

Pour terminer et en revenir à Lance Armstrong, vous avez de ses nouvelles? Il est toujours au Texas? 
Il est basé à Austin Texas mais il passe du temps à Aspen et Hawaii. Il a la belle vie quand même je crois ! Il a dit à un ami, et je vous en livre le scoop, "it's never gonna suck to be Lance Arsmtrong". 

Quelques comptes twitter à suivre 

Ca parlera aussi de sport et de littérature

Demain, à la BU Sciences STAPS de Caen, conférence "écrire le sport #1" avec, entre autres, Bertrand Pirel. A suivre sur @Ecrirelesport

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