Cette semaine j'ai parlé à deux reprises des 100 millions de fans facebook de Cristiano Ronaldo. D'abord dans la chronique économie de France Football de mardi puis le lendemain dans un papier de Yohann Hautbois de l'Equipe. Je livre ici la chronique France Football en version augmentée. Il faudrait à l'occasion que j'explique comment je construis une chronique en mobilisant de la littérature académique, le fruit de ma veille internet et des inspirations diverses. Par exemple, dans ce cas, un peu bloqué dans ma réflexion limitée à du quantitatif descriptif, j'ai essayé de tirer la chronique vers la culture numérique en me demandant ce qu'en dirait Hervé Le Crosnier ou Xavier de La Porte. A dire vrai, je ne suis pas bien sur d'avoir livrer une contribution déterminante à la compréhension des 100 millions de fans de Ronaldo mais je me suis aperçu qu'en la rédigeant dans l'urgence, je m'en remettais à une pensée en hyperliens. Non pas que je googlise pour trouver le concept pertinent, mais plutôt que mon cheminement intellectuel (pour le dire vite Ronaldo a beaucoup de fans parce que c'est un personnage conceptuel doublé d'une marque digitale complexe dans l'air du temps) se construit avec ma façon d'arpenter le web en complément de lectures académiques. Publiée dans France Foot il ne reste que de la typo sur du papier. Je m'amuse ici à reconstruire les échafaudages ce qui revient en fait à présenter une bibliographie/webographie. Vous l'avez lu ou allez le faire : je conclue le billet en disant que Ronaldo est un avatar de l'époque, machine à générer du clic. Mise en abime balourde : cette chronique l'est finalement tout autant. En voici une version augmentée.
Demain dans @francefootball je vais essayer de dire des choses intelligentes sur les 100M de fans de CR7 (sans être certain d'y parvenir)
— Boris Helleu (@bhelleu) 20 Octobre 2014
Cristiano Ronaldo : une marque digitalisée
Cristiano Ronaldo est donc le premier athlète a franchir la barre symbolique des 100 millions de fans sur Facebook. Il y'a deux ans, pratiquement jour pour jour, il était déjà le premier à passer le cap de 50 millions. Une analyse détaillée de sa page révèle trois choses. D'abord, Ronaldo est une star globale: un quart de ses fans viennent d'Asie, en Afrique il mobilise plus de 14 millions des utilisateurs de facebook, en France 2,3 millions de fans le suivent. Ensuite, sa page Facebook génère de l'engagement : depuis 2009 c'est plus de 231 millions de likes, 9,8 millions de commentaires, 8,6 millions de partages et 11 statuts à plus de 2 millions de likes. Enfin, l'attaquant portugais pourrait monétiser sa fanbase digitale : ainsi serait-ce prés de 35 millions de ses fans qui auraient été touchés par la sa promotion de la marque Tag Heuer sur sa page Facebook. D'ailleurs, le magazine Forbes l'a classé il y a peu 7ème rang des sportifs les plus bankable. Cela dit, voir Ronaldo au delà des 100 millions de fans soulève quelques questions et remarques.
Il faut d'abord rappeler qu'au classement des célébrités sur Facebook, le joueur du Real est devancé par Shakira qui compte plus de 105 millions de fans. Songez également que dans le top 10 figurent Messi mais encore Eminem, Rihanna, Katy Perry et Justin Bieber. Il faudrait alors considérer que Ronaldo n'est pas seulement apprécié en qualité de footballeur mais qu'il serait une sorte d'icône de la pop culture globalisée.
Il faut aussi considérer que l'audience du joueur ne se limite pas à Facebook. Il a 30,5 millions d'abonnés sur son compte twitter, 11,5 sur le réseau social chinois Weibo, bientôt 9 sur instagram et la vidéo de l'Ice bucket challenge publiée sur sa chaîne youtube a été vue plus de 22,7 millions de fois.
[#DigiSport] ⚠️ Classement des joueurs sur les réseaux sociaux via @estevecalzada, @FootStrategie @brycoder pic.twitter.com/oYtG9mOYsV— David Bernard-Bret (@dbernardbret) October 17, 2014
Comment expliquer alors un tel engouement? Déjà à la fin de l'année 2013, le cabinet Repucom avait érigé le plus célèbre des n°7 comme le joueur le plus célèbre du monde devant Messi, Ibrahimovic et Ribéry. Cela dit, la star argentine du FC Barcelone apparaissait selon la même étude comme bien plus sympathique, influente ou exemplaire. Et pourtant, le quadruple ballon d'or accuse 25 millions de fans de retard. Il est alors difficile de dire si Ronaldo mobilise des fans parce qu'il est apprécié ou parce qu'il est reconnu.
Peut-être faut-il alors considérer qu'il parvient à mobiliser plus de 100 millions de fans car son activité digitale est intéressante. A vrai dire, sa page facebook n'est pas la plus passionnante à suivre. On y trouve des publications régulières mais sans rythme soutenue. Il y fait plus la promotion de ses sponsors que nourrir une réelle interactivité avec ses fans en leur délivrant du contenu exclusif. Enfin, à l'évidence, il ne gère pas en direct tout son contenu ce qui devrait limiter l'adhésion des fans.
Pour expliquer sa large audience il faut alors envisager une autre hypothèse: c'est un personnage conceptuel complexe qui existe sous plusieurs entités. Il y a Cristiano Ronaldo, le footballeur talentueux du Real et de la sélection portugaise. Mais il y a aussi CR7, son extension marketing qui fait le bonheur de son équipementier. Il existe maintenant @Cristiano, une marque digitale, qui côtoient non seulement les pop stars citées plus haut mais aussi Coca-Cola, MTV, Disney et Red Bull.
Joueur talentueux, révélé à Manchester United puis transféré à Madrid, reconnaissable avec son n°7, il est le leader technique de sa sélection nationale. Attirant, posant entre autre pour une marque de sous-vêtements, il assume son côté metrosexuel. On lui connait une compagne érigée aussi en sex symbole.
Ce n'est pas de Ronaldo dont je parle ici mais de David Beckham. En 2009, dans la très sérieuse revue Sport Marketing Quaterly (voir le PDF), des universitaires américains expliquent en quoi David Beckham est une marque complexe. Peut-être peut-on alors considérer que le Portugais n'a pas grand chose de plus que le retraité anglais. Simplement, Beckham est devenu une superstar à l'ère du print, alors que Ronaldo l'est à l'ère post-digital. C'est aussi l'avatar d'une époque et, comme les grandes marques les plus globalisées, une machine à générer du clic.
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