lundi 25 avril 2016

Que vaut l'OM?



Je partage ici une chronique initialement publiée sur dans le blog économie de France Football le mercredi 20 avril. A l'occasion de l'annonce de la volonté de vendre l'OM, je reviens sur 2 thématiques abordées par les économistes du sport : les objectifs des propriétaires et la valeur des clubs. J'augmente cette contribution de quelques références en fin de billet. 
Gagner des titres ou gagner de l'argent?
"Le football professionnel est-il un sport ou une industrie? Est-ce une entreprise dont le seul profit est le plaisir donné à des millions de personnes ou est-ce un business motivé par des rêves de gains financiers?" se demandait Alan Hardaker, secrétaire de la Football League (Angleterre) dans les années 1960.

En 1971, l'économiste Peter J. Sloane remarque qu’en Europe, les dépenses des propriétaires ne visent pas en premier lieu un retour sur investissement mais plutôt le succès sportif. C’est la recherche de prestige et l’enthousiasme pour le sport qui les motivent avant tout. A la maximisation du profit, il oppose la maximisation de l’utilité dont l’objectif principal devient le succès sportif.
La recherche de la performance sportive engage les clubs dans une surenchère visant à attirer les meilleurs joueurs. On entre alors dans une logique de course aux armements qui consiste à recruter les meilleurs joueurs pour que chaque club améliore sa position en fonction de celle de ses concurrents. Cela doit se faire en principe dans le cadre d'une contrainte budgétaire (ne pas dépenser plus que l'on gagne) de sorte que le propriétaire ne réalise pas de profit et accuse même des pertes. Savez vous comment devient-on millionaire? Il suffit d'être milliardaire et d'investir dans le sport. L'année dernière, lorsqu'on lui demande s'il a dépensé plus d'argent que prévu au FC Nantes, Waldemar Kita répond : "Ah oui ! Si j’avais su combien j’allais dépenser, je n’aurais jamais acheté un club et beaucoup d’autres présidents ont la même vision."La volonté de Margarita Louis-Dreyfus avec l'OM n'a jamais été de gagner de l'argent. Elle ne poursuite pas les mêmes objectifs d'autres propriétaires en Europe qui consentent à investir dans leur club pour s'acheter une réputation ou mettre en place une synergie d'activités. Entre les adultes et les enfants, ce que change c'est le prix des jouets. La marotte de Robert Louis-Dreyfus n'amuse plus Margarita Louis-Dreyfus qui souhaite s'en séparer. Mais à quel prix?
"Personne ne survit au fait d'être estimé au-dessus de sa valeur" (Oscar Wilde)
Que vaut l'OM? Un euro symbolique? 100 millions? Il existe plusieurs façons d'estimer la valeur d'un club. L'approche en termes de patrimoine considère que le club à la valeur de ce qu'il possède. L'OM n'est pas propriétaire de son stade et l'actif joueurs est volatile. Un joueur peut se blesser, être moins performante, aller au bras de fer avec son club, fauter... La valeur d'un club peut être estimée par l'approche stratégique qui tient compte de synergies industrielles ou commerciales. Le prix dépend donc de la volonté de l'acheteur qui voit dans le club d'autres accomplissements que la réussite sportive : de canal + à l'actionnaire qatari en passant par Colony Capital, c'est l'histoire du PSG. L'approche par les flux cherche à évaluer les bénéfices futurs. C'est la méthode retenue par le magazine américain Forbes qui, en 2013, évalue le club à 285M$. Mais un club c'est aussi de l'immatériel, un palmarès, une réputation, une histoire, un savoir-faire. C'est ce que cherche à évaluer l'approche en termes de goodwill. Ce capital de marque fait l'objet d'une évaluation par la cabinet Brand Finance qui avance une estimation de 98 M€. A l'évidence, l'OM est un club reconnu et apprécié par le grand public. Mais est-il aussi aimé qu'il le fut par le passé? Sa notoriété dépasse t-elle les frontières hexagonales là où le terrain de jeu des entreprises de spectacle sportif est international? Mais "le prix n'est pas ma préoccupation première" rappelait Margarita Louis-Dreyfus. Au final, quelle que soit l'estimation des experts, la valeur des choses n'est connue qu'à l'issue d'une transaction. "La valorisation d'un club est la somme exacte que quelqu'un veut bien payer" déclarait Christophe Bouchet (ancien président de l'OM) il y a quelques années. La véritable question n'est donc pas "combien ça vaut" mais plutôt "combien ça coute".

Bibliographie

  • Ascari, G., & Gagnepain, P. (2003). How inefficient are football clubs? An evaluation of the Spanish arms race. Università degli studi di Pavia. Dipartimento di economia politica e metodi quantitativi. Quaderni di Dipartimento #152 (02-03). 
  • Dobson, S., & Goddard, J. (2001). The Economics of Football. New York, N.Y.: Cambridge University Press.
  • Downward, P., & Dawson, A. (2000). The Economics of Professional Team Sports. London: Rutledge. 
  • Fort, R., & Quirk, J. (2004). Owner Objectives and Competitive Balance. Journal of Sports Economics, 5(1), 20-32. 
  • Kesenne, S. (1996). League Management in Professional Team Sports with Win Maximizing Clubs. European Journal of Sport Management, 2(2), 14-22. 
  • Kesenne, S. (1999). Player market regulation and competitive balance in a win maximizing scenario. In S. Késenne & C. Jeanrenaud (Eds.), Competition Policy in Professional Sports: Europe after the Bosman Case (pp. 117-131). Antwerp, Belgium: Standaard Editions. 
  • Sloane, P. J. (1971). The Economics of Professional Football: the football club as Utility Maximiser. Scottish Journal of Political Economy, 17(2), 121-146.

Pour aller plus loin : 

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