Je n'avais pas rédigé de chronique éco sur le site de France Football depuis avril dernier. La semaine passée, j'ai remédié à cela en abordant la question du taux de remplissage. Il ne s'agissait pas tant de synthétiser l'ensemble des nombreux travaux qui questionnent la fréquentation des stades que de montrer aux lecteurs/étudiants qu'une question pratique peut faire l'objet d'une investigation académique.
Jamais les affluences moyennes de Ligue 1 n’ont dépassé les 25 000 spectateurs par match. Après 13 journées de championnat, la Ligue de Football Professionnel indique une affluence cumulée de 2,9 millions soit une moyenne de 22 679 spectateurs pour un taux de remplissage de 71%. L’année dernière, Didier Quillot, directeur général de la LFP, fixait pour objectif d’atteindre les 80 à 90 % de remplissage sous 3 à 5 ans.
Considérant qu’on peut appliquer au match de foot une grille de lecture marketing (un produit à améliorer, une clientèle à diversifier et fidéliser), la LFP a lancé des prix de la Fan Expérience qui valorisent les initiatives des clubs dans le domaine de la billetterie. Par exemple, le Stade Rennais a été primé pour un projet « Challenge Etudiant », Le RC Strasbourg Alsace pour son projet « Femme de Foot ». Lyon et Nantes ont aussi été primés (voir tweet suivant) :
Prix LFP Expérience Stades— LFP (@LFPfr) 13 juin 2017
Le Prix « Coup de cœur créatif » revient au @FCNantes
Le Prix « Fan Expérience Global » pour l'@OL pic.twitter.com/pozbjwhkPK
Si ces prix s’apparentent à la carotte, la LFP sait manier le bâton. Souvenez vous qu’en juin dernier la LFP envisagait de sanctionner financièrement les clubs qui présenteraient des tribunes dégarnies face aux caméras. Cela nuirait à l’image du foot français et affecterait le montant des droits télévisuels notamment à l’international. Actuellement, un quart des clubs présentent un taux de remplissage inférieur à 65% dont Bordeaux et son stade neuf, Monaco par tradition et Toulouse qui, avec une affluence inférieure à Caen, Guingamp et Metz ne remplit que 41% des 33 000 places du Stadium.
Reste à savoir si une telle mesure peut être couronnée de succès. C’est ce que se sont demandés des chercheurs de l’Université Nationale de Séoul dans un article intitulé « Effect of the stadium occupancy rate on perceived game quality and visit intention » et publié en début d’année dans l’ International Journal of Sports Marketing and Sponsorship.
Les auteurs cherchent à comprendre si le taux d’affluence affecte la qualité perçue du match et pourrait convertir le téléspectateur en spectateur. Les chercheurs coréens ont diffusé deux extraits de matchs de la K League Classic à 205 personnes. Ils ont finalement retenu les réponses de 80 personnes confrontées à un match avec un fort taux d’affluence et les réponses de 90 personnes soumises à des extraits de match à faible affluence. Les deux extraits impliquent les mêmes équipes sur des phases de jeu similaires. Le questionnaire distribué contenait des questions pour évaluer la qualité perçue du match (par exemple: « j’ai apprécié regarder le match »), d’autres pour évaluer l’intention de se rendre au stade (« si j’en ai l’opportunité, j’irai vois un match ») et l’influence du média sur le choix d’achat (« la télévision m’aide à décider quoi acheter »). Le traitement des données montre que les spectateurs ayant regardé un extrait du match avec un fort taux d’affluence ont décelé une qualité supérieure à ceux qui ont regardé un match avec avec un faible taux d’affluence. Les auteurs en tirent des applications managériales. Selon eux, les diffuseurs devraient disposer leurs caméras de façon à donner l’impression d’un public nombreux. Ils remarquent que le public coréen a pour habitude de s’installer prioritairement dans la tribune où sont situées les caméras et que les retardataires se positionnent face caméras laissant ainsi des tribunes dégarnies. Les auteurs invitent par exemple à ne pas ouvrir les niveaux supérieurs d’un stade si ce n’est pas nécessaires et les recouvrir de bannières aux couleurs du club ou de sponsors. Cette technique est d’ailleurs utilisée dans de nombreux stades même s’il s’agit plutôt de limiter les coûts d’ouverture d’une tribune plutôt que de masser les spectateurs pour donner le sentiment d’un fort taux d’occupation.
tribune bâchée à Oakland (MLB) |
« Vérifiée » par la science, cette mesure pourrait apparaitre de bon sens. Est-elle pour autant simple à mettre en oeuvre. S’il apparait envisageable que les billets soir de match servent à compléter les espaces vides face caméras, la chose semble plus difficile pour les abonnés. A titre d’illustration, le PSG (qui présente cette année le meilleur taux de remplissage) a été condamné pour avoir modifié les places choisies par l’abonné.
Une autre mesure de bon sens serait non pas de jouer sur la perception du taux de remplissage mais le taux de remplissage lui même. Autrement dit, plutôt que de réunir quelques spectateurs dans le champ des caméras, il faudrait augmenter les affluences. Se pose alors la question de l’existence commune de deux types de public: Les fans/supporters/ultras fidèles une clientèle néophyte, familiale et solvable (voir cet article de Nicolas Kssis-Martov). Est-ce dire que les secondes doivent remplacer les premiers? Pas vraiment si on considère qu’ils se rendent au stade aussi pour l’ambiance. Et peut-être est-ce aussi l'ambiance que recherche le téléspectateur...
Remplir les stades ?— Asso.Nat.Supporters (@A_N_Supporters) 29 juin 2017
Un objectif louable et salutaire.
Mais pas n'importe comment.
.https://t.co/zzlN3VINs7
source photo d'intro : monaco hebdo
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