Voici venu le troisième épisode de la série de billets qui ravit les sériephiles. Après avoir chroniqué Eastbound & Down et The League, afin de coller à l'actualité, je vais vous inciter à découvrir Twenty Twelve.
Un mockumentary anglais qui parle des JO
Twenty Twelve est une comédie anglaise de 13 épisodes de 30 minutes. Produite par Jon Plowman, elle a été primée en 2011 à la British Comedy Awards 2011 (meilleure sitcom). La première saison a été diffusée en 2011 sur la BBCfour. La seconde saison s'est achevée hier soir sur la BBCtwo. Le téléspectateur est immergé dans l'organisation des JO en suivant l'équipe de l'Olympic Deliverance Commission (ODC), la structure fictionnelle en charge du lancement des JO. Il s'agit en fait d'une parodie de l'Olympic Delivery Authority. Dès le premier épisode, la voix off - assurée par David Tennant - fixe les enjeux :
"This is the London 2012 engine room. Whilst others up on deck may be in the public eye, these are the men and women whose responsibility it is to deliver London's Olympic Games on time and on budget."
La responsabilité est énorme. Inutile de préciser que le ressort comique de la série repose sur l'incompétence du staff à assumer l'organisation d'un événement mondial. Pour présenter la série, je reprends ici la chronique de Pierre Sérisier sur l'indispensable Monde des séries :
"Londres se prépare à recevoir les Jeux olympiques en 2012. Cet événement sportif d'ampleur mondiale ne pouvait manquer de fournir quelques raisons de rire face à l'immensité des préparatifs requis par l'événement. Twenty Twelve est un mockumentary de la BBC en six épisodes, imaginé par John Morton, qui s'attaque au travail de ces employés de l'ombre chargés que tout se déroule sans accroc lorsque le grand barnum ouvrira ses portes le 27 juillet de l'année prochaine.
La série suit les employés de l'Olympic Delivrance Commission (avec un jeu sur le mot 'delivrance' qui signifie libération et renvoie au verbe to deliver qui inclut une notion d'accomplissement). Cette cellule de réflexion et d'intervention est chargée de certains préparatifs et a pour tâche d'anticiper et de régler les problèmes qui pourraient surgir à l'occasion d'une manifestation de cette importance.
Il s'agit d'une critique caustique de l'incompétence du middle-management et de son incapacité à évaluer l'ampleur des enjeux, à prendre des décisions de son ressort et à avoir un regard pertinent sur son activité. Ainsi, la question de la circulation automobile cauchemardesque à Londres, le lancement du site internet dédié à 2012 ou encore l'engagement d'un artiste dont une oeuvre doit mobiliser l'attention du public sont autant d'occasions de moquerie." (mars 2011)
Trailer
Apprenez à organiser un événement en regardant la télé
J'ai de plus en plus d'étudiants qui se destinent aux métiers de l'événementiel. Je ne compte plus les copies, les mémoires, les rapports de stage et les dossiers où l'on trouve une citation d'"Organiser un événement sportif" par Desbordes et Falgoux.
En complément de cette lecture, les étudiants pourront regarder cette série (qui pourrait faire l'objet de TD!). Tellement de facettes de l'évenementiel y sont abordées : organiser le lancement du compte à rebours des J-1000, accueillir la délégation brésilienne, réfléchir au devenir du Stade Olympique ou de la salle de Tae Kwon Do, assurer la comm', les relations publiques sans oublier de sensibiliser la population locale à l'événement, organiser les Cultural Olympiad, faire des jeux citoyens, durables et éco-responsables...
C'est la force de la série que de traiter des 1000 petits problèmes qui se posent aux organisateurs. Le réalisme voulu par le format mockumentary est appuyé par les référence nombreuses à Sebastian Coe (qui y joue son propre rôle) ou encore Boris Johnson. On redécouvre Londres (ses embouteillages) et plus particulièrement l'Olympic Park et l'O2Arena. S'il n'est pas nécessaire d'être un spécialiste du management du sport pour apprécier la série, quelques échanges ont une saveur différente lorsqu'on en maitrise les enjeux. Sinon, aucun doute, nous sommes bien dans l'univers de l'événementiel sportif : les membres de l'équipe passent leur temps au téléphone, textotent et recourent sans arrêt au verbiage.
Le personnage de Siobhan Sharpe est particulièrement intéressant. Elle bosse à l'agence Perfect Curve et est en charge du market' et de la comm' de l'événement. Elle brille non seulement par sa méconnaissance totale des dossiers mais aussi de son métier. Elle parvient tout juste à masquer sa vacuité par une sur-activité qui demeure de l'agitation. En bref, elle brasse de l'air et jargonne. Dans son agence, elle bosse avec son équipe dans un ideas space. Sa creative Team est composée d'un Information Architect, d'un Trend Analyst et d'un Viral Concept Designer. Voyez l'genre? Dans un épisode de la seconde saison, la voix off dit d'elle :
"it's time for Siobhan to step in and use her PR skills to finesse the media impact of the planting ceremony itself.
In her world, whether she knows it or not, it's all about the power of the image, and the power of this image is fast becoming almost literally symbolic." épisode 6 de la second saison
Siobhan Sharpe parle ici stratégie digitale
Vous le verrez, Ian Fletcher fait de son mieux pour remédier aux aléas. Il subit l'incompétence et l'inconstance de son équipe. On peut voir dans cette série, et c'est le comble pour un comité d'organisation, une critique du silo management. Personne ne semble vouloir aller au delà de sa responsabilité ou de son domaine de compétence. Voyez par exemple cet échange entre le journaliste et Kay Hope (Head of Sustainability) qui se refuse à faire le lien entre développement durable et héritage.
"- From a sustainability point of view, the Olympics isn't really about sport at all. This whole thing starts when the sport ends.
- Presumably sustainability is very closely connected to legacy.
- Beg your pardon? It is not. They are not the same. They are not. Sustainability is about using the Games as a catalyst for change. It's about improving life in the East End of London and encouraging new ways of life across the whole of the UK that take into account not just our debt to the past, but also to the future.
- Right.
- Whereas legacy is totally different. " épisode 1 de la première saison
Pour aller plus loin
- La malédiction de la countdown clock : dans le premier épisode, l'inauguration de l'horloge assurant le décompte des J-1000 est un fiasco. Dans la vraie vie, celle inaugurée à Trafalgar Square par Boris Johnson et Seb Coe est aussi tombée en panne. Je crois qu'il en a été de même pour celle des Jeux Equestres Mondiaux inaugurée par David Douillet.
- Sur la page de la BBC il y a des choses intéressantes mais impossible d'accéder aux vidéos.
- David Tennant est le narrateur de la série. Sur cette page, des MP3 de ses interventions lors de la première saison et sur celle-ci des fichiers audio de la seconde saison.
- Je ne l'ai pas vue, mais en 1998 puis en 2000, une série du même format est diffusée en Australie sur la chaine ABC TV ; ça s'appelle The Games. Les 13 épisodes font la satire du Sydney Organising Committee for the Olympic Games (SOCOG).
- Pour suivre Siobhan Sharpe : @perfect_siobhan
- Sur le Monde.fr, "Paul Deighton, médaille d'or", un portrait du directeur général du London Organising Committe of the Olympic Games (Locog).
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