jeudi 7 août 2014

Sports à Caen : la concurrence et le calendrier

Avec 397 000 habitants, l'aire urbaine de Caen pointe à la 22ème place des grandes aires urbaine française. C'est une ville moyenne qui compte deux clubs sportifs au plus haut niveau national : le Stade Malherbe Caen qui a fêté son centenaire en 2013 retrouve la Ligue 1 ce week end et les Drakkars du Hockey Club de Caen luttent chaque année depuis 2011 pour se maintenir en Ligue Magnus. Deux clubs de sport en salle nourrissent quelques ambitions : les Vikings du Caen Handball jouent en N1 mais visent la ProD2 tandis que le CBC (basket), soutenu par Nicolas Batum, est un candidat sérieux à la monté en N1. La ville de Caen a t-elle le potentiel local pour soutenir 4 clubs au plus haut niveau?

Potentiel local et concurrence locale 

Mes premiers travaux universitaires s'inscrivaient dans la géographie du sport. Dans le sillage de géographes comme Jean-Pierre Augustin, Jean Praicheux et surtout Loic Ravenel, je me suis appliqué à montrer en quoi les hiérarchies sportives se calquaient sur les hiérarchies urbaines. Il s'agit là de considérer une équipe professionnelle comme un « équipement urbain », au même titre qu’une université, un hôpital, un opéra, un centre commercial ou un tramway. On admet que la présence de cet équipement est liée au poids démographique de la ville dans laquelle il se situe. Plus le niveau urbain s’élève, plus nombreux et meilleurs sont les clubs. Ainsi, dans l'ouvrage de référence "Sport, géographie et aménagement" (1995) Jean-Pierre Augustin remarque à propos des équipements et des spectacles sportifs : « à l’échelon le plus vaste, les centres régionaux disposent d’équipes et d’équipements de premier plan et sont capables d’attirer un large public. A l’échelon le plus petit, les centres locaux qui sont les plus rapprochés disposent d’une clientèle et d’équipements de proximité. Enfin, à l’échelon moyen, les centres de district proposent des services et des spectacles intermédiaires ». Voici quelques extraits de ma thèse de 2007 qui peuvent éclairer le cas caennais : 

A l’évidence, l’accès aux compétitions d’élite nationales et continentales ne dépend pas uniquement de la performance sportive. Si aucun critère géographique ne semble contraignant, la simple intuition invite à penser qu’il existe un lien entre la localisation d’un club et sa présence à un niveau sportif. Comme le remarque Bale, « d’une manière générale, les grandes villes n’accueillent pas seulement plus de clubs, elles accueillent aussi les meilleurs clubs. Les grandes villes possèdent le potentiel pour attirer un large public ; un large public engendre de plus grands revenus ; de grands revenus permettent d’acquérir de meilleurs joueurs »
(…)
Il se dégage une logique selon laquelle une ville ne peut supporter plus d’équipes que son marché ne le permet. L’importance d’un budget conséquent varie selon la notoriété des disciplines. Or, toutes les aires urbaines ne sont pas en mesure de répondre à l’exigence budgétaire de tous les sports. De véritables stratégies de promotion d’une discipline plutôt qu’une autre émergent en fonction de la taille des villes. 
(...)
Si le système de promotion/relégation pourrait théoriquement permettre à des petites villes de constituer l’élite des championnats les plus prestigieux, on observe un lien évident entre hiérarchie sportive et hiérarchie urbaine. Les stratégies urbaines sportives qui se dessinent, par certains aspects, sont similaires au système nord-américain. Les plus grandes aires urbaines sont en mesure de supporter une offre sportive variée, répondant en cela à la diversité de la demande sociale. Les plus petites se spécialisent en favorisant la mono-activité ; en 2005-2006, c’est le cas de 68 aires urbaines. 41 (60%) d’entre elles comptent moins de 100 000 habitants. Les villes moyennes doivent faire face à un choix stratégique. Pas assez petites pour se contenter d’un seul sport, pas assez grandes pour en supporter sereinement plusieurs, le choix est qualitatif : à un club de football, le plus souvent de L2, on associe du basket-ball ou encore un sport collectif mineur.

Le calendrier

Dans l'idéal il faudrait mener une analyse pointue de la capacité des clubs à se maintenir durablement parmi l'élite : quels sont leurs budgets, comment fluctuent les affluences, sont-ils soutenus par les collectives locales? Celle-ci consentiraient-elles à rénover des installations sportives? Les fans sont-ils en mesure de soutenir plusieurs clubs sur un marché du spectacle sportif bien fourni? Pour prendre la mesure de cela - sans même tenir compte du pouvoir d'achat - il suffit de regarder la calendrier des clubs à domicile. Les habitants de Caen auront le choix entre 54 offres de sport réparties sur 37 journées. Pour 11 d'entre-elles, il faudra choisir. Notez que le hockey, le basket et le handball s'en sortent plutôt bien : sur les 17 matches du Stade Malherbe disputés à Caen (rappelons que les 2 autres seront joués au Mans en début de saison), seulement 6 entrent en concurrence. S'il faut retenir un date, cochez le 29 novembre : les 4 équipent évoluent à domicile. Le mois de novembre est d'ailleurs le plus chargé avec 10 rencontres programmées. Il y a 4 autres dates avec 3 matches en concurrence. 
Calendrier des matches à domicile des clubs caennais

le Stade Malherbe : le club de football dispute un long championnat de 38 journées dont 17 au Stade d'Ornano. A nouveau en Ligue 1, il n'a pas à craindre de voir son public préférer d'autres offres sportives. Notez qu'il a même la chance de voir le match contre le PSG se disputer en semaine. On sait ces dates mobiliser moins de monde. Il y a fort à parier que le stade sera plein pour la venue des stars parisiennes.

les Drakkars : la saison régulière est massée en hiver : 8 des 13 matches à domicile ont lieu de novembre en janvier. Il faudra parfois choisir entre le hockey et le basket. Notez que la confrontation contre les prestigieux voisins de Rouen peut être une belle façon de se remettre des Noël.

le CBC : défait une seule fois en saison régulière l'année dernière, malheureux sur un shoot au buzzer pour la montée, le club de basket est parvenu à attirer et fidéliser un public enthousiaste. Il n'était pas rare de voir le Palais des Sports rempli de 3000 personnes. 6 de ses 13 matches à domicile sont en concurrence avec le Stade Malherbe. Notez que le 17 janvier, les basketteurs comme les footballeurs joueront contre Rennes.

Caen Handball : le club parvient à attirer de 1400 à 2000 personnes au Palais des Sports. Des rencontres sont diffusées sur la chaine locale Normandie TV. Dans la lutte pour le prestige régionale, la JS Cherbourg est montée en ProD2. Le club caennais a t-il les moyens de rejoindre les manchots? Sur les 11 matches à domicile, 6 sont en confrontation avec le basket. Cela devrait appeler des modifications de calendrier puisque les deux clubs partagent la même salle. 

Notez que je n'ai pas intégrer le club de l'USO Mondeville basket qui évolue en LFB dans une commune limitrophe à Caen.


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