vendredi 13 novembre 2015

Le management de projet (de jeu) du SMC



(version augmentée de la chronique éco publiée mercredi sur Francefootball.fr)


Les supporters du Stade Malherbe Caen sont inquiets. Ils ne savent pas comment ça va se passer l'année prochaine quand le club évoluera en Ligue des Champions : le prix des abonnements va t-il augmenter? le stade sera t-il aux normes UEFA? Le club parviendra t-il à garder ses meilleurs joueurs pour affronter le Barca et le Bayern?

Il faut dire qu'au tiers du Championnat de France de Ligue 1, Caen est 3ème du classement. Avec 24 points, les normands comptent deux fois plus d'unités que le premier relégable. La performance est louable à considérer que le club présente un modeste budget de 26 millions d'euros quand la moitié des clubs dispose d'un budget au moins égal à 40. Elle est d'autant plus remarquable lorsqu'on se rappelle que l'année dernière à pareille époque, le club ne comptait que 12 points et n'allait en glanait que 3 autres pour atteindre la trêve bon dernier du classement. La suite on la connait : malgré l'affaire des matches présumés truqués, l'équipe enchaine les succès (dont une victoire au vélodrome) et, menée 2-0, va même chercher le nul au Parc des Princes, pour finalement se maintenant en milieu de tableau.

Age moyen des clubs de Ligue 1 (source: CIES

A l'intersaison, le SM Caen perd des joueurs talentueux : Duhamel (46 buts en 98 matchs officiels avec le smc), Sala, Benezet et Privat partis à Guingamps, Nangis, Lemar et Kanté dont les transferts à Leicester et Monaco ont renforcé la solidité financière du club.
Lorsqu'on regarde l'atlas digital de l'Observatoire du football du CIES peu de critères permettent d'objectiver la réussite actuelle du club. Avec 26,8 ans, l'équipe est plutôt âgée. Sa colonne vertébrale est d'ailleurs constituée de Vercoutre (35 ans), Yahia (34 ans), Seube (36 ans) et Féret (33 ans) (à lire : le SM Caen, meilleure maison de retraite de France par La Caencaneuse sur wearemalherbe.fr). L'effectif n'est pas des plus stable (en moyenne, un joueur est présent dans l'équipe première depuis 2,19 ans) et compte peu d'internationaux (9,5% lorsque les 3/4 des clubs de L1 ont au moins 13,8% d'internationaux).

S'il faut expliquer autrement la réussite du club, nous pourrions dire que son succès est celui du management de projet : le club sait où il va, quels sont ses objectifs et les ressources dont il dispose pour les atteindre. Le joueur trouve sa valeur dans sa capacité à adhérer à un projet de jeu et aux valeurs du club. Ainsi, au Stade Malherbe, le Tout est supérieur aux parties qui le compose et le joueur a priori moyen prend une dimension supérieure dans la fonction qu'il exerce au sein d'un projet cohérent. Pour le dire autrement : si les joueurs partent, le projet demeure. Ou encore : être un club pro c'est être un club à projets.



à la différence de Rennes ou de Marseille, le SMC a un véritable projet de jeu


% d'expatriés dans les clubs de Ligue 1 (source CIES
Le projet est d'abord un projet de jeu. Patrice Garande préconise de laisser le ballon à l'adversaire mais son équipe est capable de se projeter rapidement vers l'avant et de marquer beaucoup de buts. Ainsi disait-il dans les colonnes de France-Football du 2 septembre "je veux qu'on reconnaisse que Caen est une équipe qui joue bien au foot, qui marque des buts, et que, forcément, à sa tête il y a un entraineur qui la fait jouer comme ça. La saison dernière on termine quatrième meilleure attaque, avec un meilleur buteur à sept buts, ça représente quelque-chose." C'est ce projet qui agit comme un catalyseur et qui permet d'assurer une grande cohésion dans le groupe. Un projet bien mené nécessite un chef de projet clairvoyant, efficace et qui a la confiance de ses dirigeants. Présent depuis longtemps au club, Patrice Garande a pu installer sa philosophie de jeu, avec le soutien du staff et en dépit d'une saison passée difficile. Ainsi déclare t-il "notre objectif est d'être en Ligue 1 la saison prochaine, puis la suivante en restant fidèle à nos principes de jeu et en essayant de gagner le maximum de matches. (...) Je m'inscris dans la durée avec mon président et mes dirigeants qui m'ont confié une mission. Mon objectif est de répondre aux attentes des personnes qui m'ont fait confiance, mais je n'en fais pas une affaire personnelle. Ce n'est pas ça qui me fait avancer. Nous avons un projet commun avec le président, Xavier (Gravelaine), Alain (Cavéglia), mon staff et tous les salariés du club."


Mais suffit-il de définir clairement un projet de club, pour s'assurer l'adhésion du groupe? L'observatoire du football propose un indicateur intéressant : quel pourcentage de joueurs a débuté le football en dehors de la France? Monaco (76%), le PSG (68,2) et l'OM (43,5) constituent le trio de tête. Le dernier club de cet indicateur est... le SM Caen avec 9,5% "d'expatriés". Reims qui a effectué un bon début de saison est avant, dernier puis on trouve l'AS Saint-Etienne (5ème du classement), Lyon (2ème), Nice (6ème). A l'opposé, Toulouse et Troyes qui présentent des taux élevés sont en queue de classement. Il faudrait bien entendu aller plus loin dans l'analyse et éviter des raccourcis douteux mais tout se passe comme ci-l'adhésion a un projet collectif était facilité par la proximité (ne serait-ce que partager une langue commune). Peut-être est-ce pour cela que le projet de jeu caennais trouve une extension dans un projet de club : il aspire  à devenir un élément fort du patrimoine régional en misant sur une formation de proximité pour composer d'ici peu une équipe de jeunes "du cru". 

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