lundi 4 février 2013

"t'as vu, l'prof est sur twitter ! ", épisode 3 : entretien avec @lestrelin

Le troisième volet du cycle consacré aux enseignants-chercheurs en Management du Sport qui tweetent est dédié à Ludovic Lestrelin (@lestrelin). Sociologue, Maître de Conférences à l'Université de Caen, Ludovic aborde les questions du supporterisme et de l'engagement collectif. Il est l'auteur de "l'autre public des matchs de football" aux éditions de l'EHESS. Il a participé au livre vert du supportérisme. Il dirige le Master 1 Management du Sport de Caen. Sur twitter, il vient de passer le cap des 1000 abonnés. 


Ludovic, quel genre de twittos es tu? 
Je suis inscrit sur Twitter depuis janvier 2011. Je me suis lancé sur tes conseils. En deux ans, j’ai fait 3 000 tweets, ce qui me paraît un peu fou, même si ce n’est pas tant que ça en fait. J’ai fait le calcul : ça fait une moyenne d’un peu plus de 4 tweets par jour. Je retweete aussi. J’ai adopté une ligne éditoriale que j’ai essayé de résumer dans le petit texte de présentation de mon compte : j’y annonce que je suis universitaire, tourné vers les sciences sociales et le sport et, pour me situer, que je suis installé en Normandie. Je ne sais pas si ces informations paraissent claires pour les utilisateurs mais en somme cela veut dire que je tweete du contenu très principalement autour de trois axes :
  • les sciences sociales, sans me réduire à la sociologie mais en ayant une ouverture vers l’histoire, l’économie, l’anthropologie, la géographie, etc.
  • l’actualité du sport dans ses dimensions sociales, économiques, culturelles, politiques.
  • le monde de l’université et de la recherche et, plus largement, tout ce qui se rapport à la vie des idées, la vie intellectuelle, les livres. Il m’arrive de faire des incursions hors de ces thèmes, mais c’est rare. Souvent c’est pour parler culture. 

En décembre, je l’ai fait lors de la mort d’Oscar Niemeyer, à la fois parce que j’aime l’architecture et parce que sa mort concerne les Normands puisqu’il a joué un rôle dans la reconstruction du Havre. Par rapport à ma ligne éditoriale, le « tweet idéal » concernerait tout ce qui se rapporte aux travaux de chercheurs en sciences sociales sur le monde du sport (et du corps). L’idée, c’est que l’usager de Twitter se dise : « tiens si je m’abonne au compte de @lestrelin et bien je suis sûr d’être tenu informé de ce qui se dit et s’écrit sur le sport pour aider à mieux le penser ». Le compte Twitter me permet aussi de relayer du contenu issu de mon blog (invitation à la sociologie du sport) et d’attirer des lecteurs. Mais bien entendu, tout ne tourne pas autour du sport. Il est question de « sciences sociales ». Quand j’estime que du contenu permet d’éclairer pertinemment l’actualité, alors je le tweete. Dernièrement, j’ai relayé un grand entretien avec l’anthropologue Maurice Godelier paru dans Le Monde à propos du renouvellement incessant au cours de l’histoire de l’humanité des formes d’union et de descendance. C’était une manière de mettre en perspective le débat sur le mariage pour tous. De la même façon, lors de la récente « manifestation pour tous » qui a rassemblé à Paris les opposants au mariage pour tous, j’ai livré deux notions sociologiques qui permettent de penser ce genre de mouvement. J’aime bien faire ça. En le faisant je pense surtout aux étudiants qui me suivent. C’est une invitation à réfléchir et ça on le fait mieux au contact de grands penseurs ou de grands écrits. Au bout du compte, je comprends que ça puisse être déroutant. J’ai des gens qui se désabonnent parfois, peut-être qu’ils n’y retrouvent pas leurs petits : ils s’attendent à avoir du contenu sur le football, le tennis ou que sais-je encore, et je tweete du Maurice Godelier. Ou bien l’inverse : d’autres veulent de la sociologie et ne veulent pas entendre parler du PSG ou de Lance Armstrong. Tant pis, j’assume ce décalage du regard. 


Ludovic twitte mais il blogue aussi

Tu parlais des étudiants, fais tu un usage pédagogique de twitter ?
Oui bien sûr. Mon compte est là aussi pour ça. C’est une sorte de prolongation des cours. En me suivant, les étudiants ont accès à des articles de presse ou du contenu qui viennent directement illustrer certaines parties de mes enseignements. Mais la relation marche dans les deux sens puisqu’il arrive aujourd’hui que des étudiants tweetent du contenu qui se rapporte directement à leur cours tout en m’alertant. C’est vrai même pour d’anciens étudiants. Je trouve ça bien. De nos jours, les étudiants sont mieux informés que nous ne l’étions à leur âge, c’est pour moi une évidence.
En Licence ou en Maîtrise, je ne lisais pas Le Monde tous les jours ! Grâce à Internet, grâce à Twitter ou d’autres outils numériques, ils ont accès à des articles de presse quotidiennement. Que les étudiants lisent de la presse est une excellente chose. Mais je profite de l’interview pour les mettre en garde en reprenant l’idée du sociologue américain Charles Wright Mills : être informé c’est bien. Assimiler et s’approprier l’information, c’est autre chose. D’autant plus quand on est exposé chaque jour à un flux si important. Pour le faire, il faut une « qualité d’esprit » permettant de tirer partie de l’information et d’exploiter la raison. Cette qualité d’esprit, elle se forme au contact de lectures fondamentales et de connaissances scientifiques. Or, pour le coup, je suis loin d’être certain que ce pari-là est aujourd’hui gagné : beaucoup ne mettent pas le nez dans les bibliographies des cours.

Cela modifie t-il ton rapport à tes étudiants ?
Twitter aide sans doute à créer plus de proximité entre l’enseignant et les étudiants. Il y a des interactions qui se nouent en ligne, des formes d’interpellation, quelques blagues parfois. Pour l’enseignant, cela peut permettre de mieux connaître ses étudiants, donc de les aider un peu mieux dans leur parcours universitaire. C’est intéressant, mais après tout, c’est exactement la même problématique qu’entre un personnage public et ses followers. Pour autant, pour moi, cela ne supprime pas la relation pédagogique, la relation prof-élève. Je ne suis pas un étudiant, je tiens à conserver une certaine distance et à ce que chacun reste dans son rôle. Garder une distance, c’est aussi une manière de respecter les étudiants. On peut s’apprécier sans pour autant tomber dans l’intimité ou dans une forme de connivence. Ce n’est pas du tout ma façon d’envisager mon métier.


Twitter a t-il contribué à élargir ton réseau, plus particulièrement dans le domaine de la recherche ? 
Twitter me permet d’interagir facilement avec des chercheurs, soit que je connaissais déjà de nom ou via leurs travaux mais avec qui je n’avais jamais créé de liens, soit que je ne connaissais pas du tout et qui ne me connaissaient pas non plus d’ailleurs. C’est vraiment très intéressant de ce point de vue. Au-delà des chercheurs, Twitter me permet d’être en lien avec des gens concernés par le monde de l’écriture et de l’observation du monde : des journalistes, des écrivains, des artistes, etc. C’est très stimulant. Suivre des personnalités politiques l’est aussi. 

Reconnais tu à twitter des bénéfices que tu n’avais pas imaginés en t’y lançant ? 
J’apprécie beaucoup Twitter pour sa dimension intellectuelle. On peut avoir accès à un contenu large et intéressant. C’est un peu une fenêtre ouverte sur le monde. D’un point de vue professionnel, je trouve donc que le bilan est concluant. J’aime bien aussi l’humour souvent acerbe qui s’y déploie. Ce sont des choses que l’on découvre en expérimentant. 

Dirais-tu que twitter a bonifié ta notoriété ou ta réputation ? 
Sans doute, mais c’est très difficile à mesurer et à quantifier. Et de quelle notoriété ou réputation parle-t-on ? Si cela tient aux sollicitations des journalistes, alors oui, je suis plus connu qu’avant. L’articulation entre mon blog et ma présence sur Twitter doit contribuer à ça.  On me sollicite régulièrement pour réagir sur l’actualité du sport, même si je tiens à préciser que je ne souhaite pas répondre favorablement à toutes les demandes. 

Quel twittos recommandes-tu de suivre ? 
Tous les enseignants-chercheurs que je connais et que tu as initiés à Twitter font partie de cette liste. Cela peut également être des journalistes dont je connais la qualité du travail. Cela peut être des comptes de sites d’information, de culture générale, etc. 

Ton activité numérique a t-elle eu des prolongements dans la vraie vie ? 
À ce que je me souviens, non, hormis des interviewes et autres sollicitations médiatiques. Et aussi des étudiants d’autres universités qui m’écrivent pour me demander des conseils. 

Twitter permet-il d’élargir ton réseau à l’international ? 
Un peu, mais pas tant que ça car je n’ai pas d’activité en anglais sur Twitter. Donc ce n’est pas vraiment via Twitter que ce travail se fait.

Quelques travaux/entretiens de Ludovic Lestrelin



"L'autre public des matchs de football" aux éditions de l'EHESS (2010)
"Tout ce qui les sépare", entretien aux Cahiers du Foot (2010)
Coupe de France: ces drôles de Rouennais fans de l'OM, l'Express (2013)






"À plus d'un titre" sur France Culture du 20 janvier 2011 : 

Il reste quelques épisodes de "t'as vu l'prof est sur twitter" : 

  • Yann Abdourazakou : @Y_Abdourazakou - Assistant Professor Ph.D., Canisius College. Sports Marketing. This blog shares resources to those whom have an interest in the #sport industry.  
  • Lionel Maltese : @LionelMaltese - Maitre de Conférences Université d'Aix-Marseille Professeur Associé Euromed Management  Organisateur d'événements Sportifs et Consultant en Marketing Sportif. 
  • Frank Pons : @Frankiepons - Marketing Professor, sport enthusiastic and a happy father -)) Québec city. 1
  • Christophe Lepetit : @ChrisLepetit - Économiste du sport - chargé des partenariats au Centre de Droit et d’Économie du Sport de LimogesLimoges · http://www.cdes.fr
  • Loïc Ravenel : @Loic_Ravenel. Collaborateur Scientifique - Centre International d'Études du Sport - Neuchâtel (Suisse) MCF en géographie - UMR Théma - Université de Franche-Comté - Besançon. 
  • Thierry Zintz @ThierryZintz - Professeur de management du sport a l'Universite de Louvain, Vice-President Comite Olympique et Interfédéral Belge.

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