jeudi 25 mai 2017

Football professionnel et Twitter. Une communication au Colloque Management du Sport de Lyon

Les 14 et 15 juin, l'UFR STAPS de Lyon 1 organise le Colloque Management Du Sport. Les sessions thématiques reflètent la diversité et la richesse de la recherche en MDS : grands événements, marques de sport, ligues sportives professionnelles, tourisme sportif... Pour ma part j'interviendrai lors d'une session consacrée au médias sociaux. Je livre ici le résumé de ma communication. 

Football professionnel et Twitter. Audience et engagement : le cas du Stade Malherbe Caen

L’apparition des médias sociaux au milieu des années 2000 a profondément bouleversé les modalités de consommation du spectacle sportif. Leur adoption rapide et croissante par les fans, clubs, joueurs, journalistes, institutions et sponsors a contribué au développement d’une littérature académique dédiée (Filo, Lock, et Karga, 2015). Selon Médiametrie, en 2016, 4 Français sur 5 (80,1 %) se rendent chaque mois sur au moins un média social et ils sont 26,5 millions à s’y connecter chaque jour. Dès lors, si 96% des fans français regardent encore du sport à la télévision, 21% utilisent les médias sociaux (contre 12% en 2011) et 30% utilisent leur smartphone pour consommer du sport (contre 15% en 2011). 

Média social de l’instantanéité, Twitter a su fédérer de part le monde des fans de sport qui y trouvent un moyen de commenter l’actualité, accéder à des informations, partager des émotions. Lors des Jeux Olympiques de Rio, le football est présent à deux reprises dans le top 3 des moments les plus discutés. En France, l’Euro 2016 arrive en tête des sujets les plus discutés sur Twitter en 2016. La compétition a généré plus de 109 millions de tweets dont 14,2 millions pour la seule finale. Les 3 pics de conversation (nombre de tweets à la minute) en France sont d’ailleurs des matchs de l’Euro. Ainsi, Twitter a considérablement modifié la façon dont les fans de football vivent ce spectacle sportif (Price, Farrington, et Hall, 2013).

Des travaux récents tentent de comprendre comment sont gérés les comptes Twitter de clubs sportifs professionnels et quelle est la motivation des fans à les suivre (Gibbs, O’Reilly, et Brunette, 2014 ; Witkemper, Lim, et Waldburger, 2012). Ces travaux montrent que la plateforme de microblogging se pose aussi comme un outil du marketing relationnel en permettant l’échange entre un club et ses supporters 2.0. Les études sur Twitter et le sport favorisent l’analyse de contenu et/ou l’approche statistique d’un échantillon de tweets ou d’un mot-dièse (hashtag). Si un tweet fournit de nombreuses informations utiles au chercheur (son contenu, date et heure de publication, nombre de partages, de likes et de réponses, présence d’un média ou d’un hashtag…), les convertir en base de données peut s’avérer problématique (Naraine, Pegoraro, François et Parent, 2016). L’outil Twitter Analytics fournit un tableau de bord détaillé de l’activité d’un compte en mesurant l’audience (nombre de vues) et l’engagement (nombre d’interactivités avec le contenu : retweets, réponses, J'aime, clics sur le profil de l’utilisateur, clics sur l'URL, clics sur le hashtag) mais il ne permet d’accéder à ses informations que sur son compte et non celui des entités étudiées. 

Pour réaliser cette étude de cas exploratoire, nous avons pu accéder au tableau de bord Twitter Analytics du Stade Malherbe Caen (Ligue 1) avec l’autorisation du club. Le compte Twitter @SMCaen a été créé tardivement en décembre 2012. Disposant de 55 707 followers en avril 2015, 83 346 en janvier 2016, il compte maintenant plus de 130 400 abonnés et a généré 39 330 tweets (données arrêtées au 25 février 2017). La base de données contient la totalité des 20 708 tweets diffusés sur le compte officiel du club entre le 16 janvier 2014 et le 31 décembre 2016 (fin du championnat 13/14 en L2, totalité des championnats de L1 14/15 et 15/16, début du championnat de L1 16/17, soit 114 matchs de championnat). L’originalité de cette recherche repose sur le traitement statistique de données primaires exhaustives combiné à des entretiens menés avec le Community Manager du club. Le recours à la statistique descriptive permet de quantifier l’audience et l’engagement des tweets en fonction de leur contenu ou encore des résultats sportifs du club. Les entretiens menés avec le responsable de la communication digitale du club servent à mettre en relief les objectifs, moyens et retombées de la stratégie digitale d’un club sportif professionnel. 

Les premiers résultats montrent que la publication d’un tweet, son audience et l’engagement qu’il génère, dépendent largement du calendrier sportif. Il y aura d’autant plus de contenu qu’il sera produit un jour de match et il générera d’autant plus de partages ou de likes que l’équipe sera victorieuse. Pour autant, l’activité marketing d’un club (animer une communauté Twitter ou remplir un stade) ne peut reposer que sur le caractère aléatoire de l’issue d’un match. En conséquence, le Community Manager du club parvient à engager sa communauté de followers par une stratégie de publication mêlant ton décalé, jeux concours, mobilisation d’influents, storytelling. 

Les médias sociaux peuvent être envisagés comme une innovation disruptive affectant les modalités d’échanges entre un club et ses fans. S’ils permettent la poursuite de nombreux objectifs marketing (relationnel, transactionel, branding, fan experience) ils nécessitent maitrise, savoir-faire et compétences. Outre le fait de comprendre la mise en œuvre d’une stratégie de publication sur Twitter et ses retombées, cette communication permet aussi d’appréhender le métier de Community Manager appelé à se développer au sein des organisations sportives. 

Ce premier travail exploratoire pourrait se prolonger sur trois axes : étendre l’analyse à la twittosphère du club (fans, joueurs, sponsors, journalistes, influenceurs) pour comprendre les modalités d’interaction sur Twitter ; étendre l’analyse de l’engagement des fans aux autres plateformes sur lesquelles le club est présent (facebook, instagram, snapchat) ; sous réserve d’accès aux données, entamer une approche comparative pour caractériser les stratégies des Community Managers. 

  • Filo, K., Lock, D. et Karg, A. (2015). Sport and social media research: A review. Sport Management Review, 18(2), 166-181. http://dx.doi.org/10.1016/j.smr.2014.11.001 
  • Gibbs, C., O’Reilly, N., et Brunette, M. (2014). Professional Team Sport and Twitter: Gratifications Sought and Obtained by Followers. Journal of Sport Communication, 7, 188-213. http://dx.doi.org/10.1123/IJSC.2014-0005 
  • Naraine, M.L., Pegoraro, A., François, A., et Parent, M. M. (2016). Étude comparative de méthodes d’extraction de données Twitter : le cas des matches de l’équipe nationale masculine du Canada de hockey sur glace aux JO d’hiver de Sotchi 2014. Revue européenne de management du sport, 48, 8-26.
  • Price,J. , Farrington, N. et Hall, L. (2013). Changing the game? The impact of Twitter on relationships between football clubs, supporters and the sports media. Soccer & Society, 14(4), 446-461. http://dx.doi.org/10.1080/14660970.2013.810431 
  • Witkemper, C., Lim, C.H., et Waldburger, A. (2012). Social media and sports marketing: Examining the motivations and constraints of Twitter users. Sport Marketing Quarterly, 21(3), 170–183. 

Ce qu’il faut retenir : 

  • Les médias sociaux et plus particulièrement Twitter prennent une part de plus en plus importante dans les modalités de consommation du fan de football. 
  • Le nombre de followers, le nombre de tweets, l’audience et l’engagement, sont indexés en grande partie sur la réussite sportive de l’équipe. 
  • Le savoir-faire du Community Manager du club consiste alors à faire grandir sa communauté et la fidéliser en proposant du contenu engageant déconnecté de l’aléa sportif. 
  • Les enjeux marketings d’une bonne gestion d’un compte Twitter sont nombreux et relève du marketing relationnel (interactivité avec les fans), du marketing expérientiel (fan/matchday experience) et du branding (image de marque du club).

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