mardi 18 février 2020

Entretien avec David Kahn, Président du Paris Basketball : "Nous voulons devenir une marque globale"

A l'occasion de la Global Sports Week qui s'est déroulée à Paris les 6 et 7 février, nous avons pu échanger avec David Kahn. Dirigeant sportif américain, il est passé par les Indiana Pacers et les Minnesota Timberwolves. En juillet 2018, il devient le Président du Paris Basketball (Pro B) avec pour ambition d'installer le club au plus haut niveau tout en développant sa marque. Le club devrait investir la nouvelle aréna construite porte de la Chapelle. Quelle est donc la stratégie du club? À quel point est-il difficile de conduire un tel projet en France? Nous avons échangé avec David Kahn.  




Il n’est pas simple de diriger une équipe sportive professionnelle, d’où vous est venue cette envie ? 
J’ai toujours pensé qu’il serait merveilleux, exaltant, romantique, de posséder une équipe de basket en Europe. Je suis europhile et Paris est de loin ma ville européenne préférée. Ça faisait donc des années que j’avais ce projet en tête et lorsque la ville de Paris s’est positionnée sur les jeux olympiques de 2024, je me suis dit qu’elle allait peut-être obtenir une nouvelle aréna. Je suis convaincu que si aucune équipe de basket n’est réellement parvenue à s’imposer à Paris c’est à cause du manque d’une salle de qualité. J’ai travaillé sur ce deal pendant 18 mois avant qu’on l’annonce et c’est le projet d’aréna qui a terminé de convaincre mes partenaires. 

Et pourtant vous avez fait l’acquisition d’une équipe en manque de notoriété, et vous devez faire face au système de promotion et relégation … 
Lorsque j’étais chez les Indiana Pacers, j’étais en charge du développement de l’aréna. Pendant trois quatre ans, je bossais 80 à 90 heures par semaine. En 2005, j’ai créé l’entreprise qui a fait l’acquisition de 4 franchises de ligue mineure (NBA D-League). Elles étaient dans 4 villes différentes, de taille bien plus petite que Paris. Je sais donc ce que c’est que de se lancer dans un projet de ce type. Nous n’en sommes qu’au début, c’est un énorme challenge tout aussi exaltant mais oui, vous avez raison, c’est un très gros travail, et oui le système de promotion-relégation est différent des ligues fermées. Mais nous savions où nous mettions les pieds.

David Kahn, au centre, à la GSW
Les économistes du sport disent des propriétaires nord-américains qu’ils maximisent le profit tandis que les propriétaires européens ont pour objectif de maximiser l’utilité, c’est à dire les victoires. Vous êtes un américain à Paris, quel donc est votre objectif ? 
On essaie de faire les deux. Il n’est pas sain de diriger un club ou une entreprise en situation de déficit. Si vous faites cela, en contradiction avec les principes fondamentaux de l’entrepreunariat, non seulement vous mettez une pression énorme sur votre propre business model mais aussi sur celui des autres membres de la ligue. Et cela n’est pas juste. Il n’est pas juste qu’un propriétaire décide de dépenser sans compter, quoiqu’il lui en coute, juste pour gagner. Dépenser ainsi des millions d’euros n’est pas une gestion raisonnable d’une équipe professionnelle. C’est pour cela qu’aux Etats-Unis nous avons un salary Cap dans tous nos sports, quoique le baseball a une taxe. Et cela ne se fait pas au détriment des joueurs qui se font plus d’argent aux Etats-Unis que n’importe où ailleurs. Je crois donc qu’il faut essayer de gagner, mais en le faisant d’une façon raisonnable avec un véritable modèle économique. 

" Paris est l’épicentre du basket européen" 

Essayez-vous d’attirer d’autres investisseurs américains? 
On essaie d'en attirer de nouveaux en favorisant un mélange d’investisseurs français, d’investisseurs des États-Unis, de joueurs NBA, de joueurs français évoluant en NBA. Avec mon partenaire, Eric Schwartz, nous n’avons pas encore entamé cette démarche mais nous allons essayer d’élargir la base d’actionnaires au cours des 12 prochains mois. 

Et pour le moment, vous êtes satisfait ? 
très ! Nous avons signé un accord avec la ville de Paris pour être le seul club résident de la prochaine aréna. Il existe pourtant d’autres équipes de basket, hand ou de volley, mais nous serons l’équipe résidente. Ainsi savons nous que l’aréna sera construite d’une façon très "fan friendly" pour que les amateurs de basket restent très proche de l’action. Nous avons eu récemment un match à L'AccorHotels Arena qu’on avait configurée en 6800 places et c’était presque plein. On existait à peine il y a quelques temps mais tout se passe comme prévu. C’est beaucoup de temps et d’investissement mais on le savait. 

Vous possédez donc une équipe à Paris bientôt dotée d’une belle salle. Comme vous le savez, on évoque souvent une NBA Europe qui ne prendrait pas la forme de franchises européennes évoluant en NBA mais plutôt d’une ligue NBA européenne sur le modèle de la NBA China. C’est parfait, vous serez là ! 
Je suis convaincu qu’il n’y aura jamais d’équipe européenne qui évoluera en NBA à cause des trajets. Et il ne s’agit pas seulement de la saison régulière mais aussi des playoffs. Pouvez vous imaginer une série au meilleur des 7 matchs entre Detroit et Berlin? 2 matchs à Detroit, 2 matchs à Berlin et ainsi de suite … Pour en revenir à votre question, je n’ai pas de boule de cristal. Tout ce que je sais c’est que Paris est l’épicentre du basket européen. Regardez le nombre de jeunes qui jouent au basket ou qui portent des maillots NBA. Je crois donc qu’on sera toujours une pièce du puzzle à considérer. 

"Ce qui nous intéresse, ce n’est pas seulement d’être une équipe de basket. Nous voulons devenir une marque globale en travaillant l’association entre « paris » et le « basket »." 

le projet d'Aréna, porte de la Chapelle 
De mon point de vue, votre équipe manque encore d’un capital de marque… 
ce que vous dites c’est qu’on en pas terminé avec la phase de construction de notre notoriété. Je suis d’accord avec cela mais nous n’avons que 19 mois.

Est-il alors envisageable de donner un grand coup de boost à votre projet en fusionnant avec une marque sportive installée comme disons le PSG ? 
Nous n’avons aucun intérêt à fusionner avec le PSG. Cela n’a pas forcement marché avec le Hand dans le sens où la salle n’est pas pleine et que les partenaires qui assistent au match sont là probablement parce qu’ils sont partenaires de l’équipe de foot. Nous ne voulons pas construire un modèle de ce type. On veut ne dépendre que de nous. Construire une notoriété prend du temps plus encore quand on a à jouer que 17 matchs à domicile. C’est pour cela qu’on a joué à Berçy. On a pu faire venir 3 fois plus de personnes que d’ordinaire avec une diffusion à la télé. Je ne suis pas certain qu’une fusion permettrait de devenir une entreprise profitable. Je crois que gagner aide à établir la notoriété de la marque. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas seulement d’être une équipe de basket. Nous voulons devenir une marque globale en travaillant l’association entre « paris » et le « basket ». 

Cela doit aussi passer par l’accession en Pro A. 
On est en pro B en ce moment et on adorerait être en Pro A l’année prochaine mais si ça n’est pas le cas, ce n’est pas catastrophique. Ce qu’il faudrait, c’est être en Pro A au moment de l’inauguration de la nouvelle aréna. 

Quel est le plus important challenge pour mener à bien votre projet? 
Le plus important est de rester patient. Il serait tentant de prendre d’un coup beaucoup de décisions radicales. Il faut y aller pas à pas, une pierre après l’autre. Il faut donc se discipliner à être encore plus patient qu’on l’est déjà lorsqu’il s’agit de bâtir quelque chose.

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